Présenté en avant-première au Pathé Masséna de Nice, le mardi 16 Septembre, dans la cadre de Ze Festival, festival du Film Lesbien Gay Bi Trans PACA, Pride est le deuxième long métrage de Matthew Warchus qui revient à la réalisation après quinze ans d’absence durant lesquels il s’est consacré au théâtre. Le film a été présenté par le président de l’association Polychromes qui annonce sa conviction qu’un film peut changer un homme. Vu le message foudroyant du film, on aimerait tellement que ce soit vrai. En attendant, passons un bon moment de rire et d’audace politique aux côtés des Lesbiens et Gay qui soutiennent les mineurs.
En 1984, en pleine tempête thatchérienne, un groupe de militant gays, mené par Mark (Ben Schnetzer) décident d’organiser une récolte de don en faveur des mineurs qui se battent contre la casse de l’industrie anglaise par le gouvernement anglais. Devant le refus de l’Union Nationale des Mineurs d’accepter leur aide, il s’embarque dans un minibus pour porter l’argent en main propre dans un village sinistré du Pays de Galles.
Dans les années 80, il n’y a pas encore de représentant gay à la chambre des députés, pas plus que d’homosexuels ouvertement revendiqué dans les instances des partis. A peine tolérée, l’homosexualité n’est alors légale que sous deux conditions : majorité sexuelle à 21 ans et avoir lieu en privée. On entend par privé le stricte cadre de la chambre conjugale et les hétérosexuelles sont sexuellement majeur à seize ans. La répression policière des Gay Pride, qui ne sont pas autorisées, et régulière. Les autorités laissent les manifestants se faire lyncher. C’est ainsi que les Gay Pride des années 80 n’ont rien à voir avec la débauche consumériste de celle que l’on connaît aujourd’hui dont les organisateurs ont tendance à oublier que la lutte n’est pas tout à fait finie. Mark et sa bande sont politisés, ils ont conscience que l’oppression de leur minorité n’est qu’une expression parmi d’autre de l’uniformisation capitaliste. C’est pourquoi, ils prennent la décision de lutter côte à côte avec les mineurs en grèves. Ils vont devoir se battre contre les préjugés des mineurs gallois qui se veulent virils et rustres et qui ont la réputation, au pub, de ne jamais se lever pour danser. Ces préjugés tout droit sorti des nauséabonds tabloïd anglais qui fustigent aussi bien les mineurs que les homosexuelles, qui fustigent en fait tout ce qui ne va pas dans le sens du conservatisme à papa.Le groupe LGBT va donc devoir se battre contre deux fronts : l’opposition local aux « pervers » et la bataille contre le gouvernement. Reprenant le terme de « pervers », ils organiseront un concert avec en tête d’affiche Bronski Beat, permettant ainsi au village exsangue d’acheter des fournitures et des denrées pour les familles de mineurs dont Thatcher a radicalement réduit les allocations pour les affamer. Pride, c’est un épisode oublié des grèves de mineurs anglais dont il est bon de nous rappeler le souvenir. Parce que les minorités, une fois intégrées, ont tendance à trouver de nouveaux boucs émissaires (comme les Log Cabin Republicans) ou bien, chose incroyable, à soutenir l’ennemi traditionnel comme les récents soutiens d’une franche très réduite de la communauté à la « manif pour tous ». Allez comprendre. L’histoire ne fournit pas assez de leçon.
Le second point fort de Pride est certainement son humour irrésistible. La rencontre de deux mondes qui ne devaient pas se rencontrer donne des situations cocasses. La vieille secrétaire de la section se demande si ce qu’on lui a raconté au marché est vrai car elle n’en croit pas ses yeux : les lesbiennes sont-elles toutes végétariennes ? Au huitième degré, la réponse des deux lesbiennes est la suivante : elles sont végétaliennes. Impossible de ne pas rire devant l’air perplexe de l’octogénaire. Parmi les acteurs, tous profondément impliqués, on retrouve dans le rôle de Mike, Joseph Gilgun, le trublion de Misfits. Toujours sur la brèche, Matthew Warchus se permet de jouer sur tous les clichés sur les homosexuelles mais il le fait avec tendresse. Il ne s’inscrit pas dans la satire des rustres campagnards, il étoffe avec intelligence les préjugés qui sont dû davantage à l’inculture et à la propagande droitière des tenants de la bienséance qu’à une profonde conviction populaire. Au fond, à travers l’humour comme à travers son discours ouvertement militant, Pride amène le spectateur à faire fis des apparences, différences factices que l’on renvoie aux masses pour les diviser. La répression policière et politique des minorités et plus généralement des mécontents s’allie à la répression idéologique menée de front par les chiens de gardes médiatiques. Aujourd’hui, comme sous Thatcher, les médias ne sont que le reflet de la bourgeoisie dominante. C’est ce qui unit le groupe d’homosexuelles et les mineurs gallois en cette année 1984. Les militants gay vont apprendre aux mineurs à utiliser les propres armes de la propagande anti-grévistes. Poursuivis depuis longtemps, les LGBT britannique connaissait aussi leurs droits. Les grévistes sont déjà à l’époque « des preneurs d’otages » et des « feignasses » comme les homosexuelles sont des « pervers ».Mais n’en déplaise à madame Thatcher, ce qui unissait ces deux groupes militants n’était pas un poil dans la main mais belle et bien une fraternité festive.
Si Mark est un indigné, Pride couve en filigrane l’indignation de son scénariste, Stephen Beresford, sur notre époque où l’entertainment déshumanisé a remplacé la lutte collective qui rappelons le sera festive ou ne sera pas comme le montre Jimmy’s Hall de Ken Loach ou le formidable élan de fraternité qu’incarne la fête de l’Humanité. C’est le sens de Pride qui ne se privent pas de rappeler que la Gay Pride de 1985 à Londres fut sûrement la dernière a être ouvertement politisée avant que des idiots décident que fête et lutte soient incompatible. C’est aujourd’hui le sens du mouvement Gay Shame qui propose de repolitiser les Gay Pride loin de la foire mercantiliste qu’elles sont devenus.
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