C’était comme un éclair de passion, rapide et aveuglant, dans un ciel mort. (Emile Zola)
Spartacus et Cassandra? Attention: diamant brut!
aussi blessant qu’un silex, éblouissant qu’une révélation.
Aller voir un documentaire sur deux enfants rroms?
à ce projet plombant, j’en connais beaucoup qui prennent la poudre d’escampette ...
Documentaire, reportage? définitions bien trop triviales pour ce joyau porté par un regard touché par la grâce qui rend leur noblesse aux invisibles, et qui fait d’un documentaire un grand film.
Spartacus et Cassandra enfants rroms filmés avec la même humanité, la même humilité que cet autre trésor sur d’autres invisibles: “Au bord du monde”.
C’est un conte, cruel et beau, poétique et burlesque où la fée est trapéziste.
Mathilde défie les lois de la pesanteur de notre monde, son fil d’Ariane aide de courageux petits poucets à abandonner leurs parents pour tenter de devenir des enfants pour de vrai.
Ioanis Nuguet filme le tragique avec une infinie délicatesse, une profonde empathie
abordant l’air de rien des thèmes essentiels à hauteur des enfants,
saisissant dans son filet à papillons leur regard et leur paroles, leurs doutes et leurs colères,
leurs rêves leurs peurs, leurs rires et leur vitalité.
C’est ce qui fait toute la force de ce film car leurs mots sont bien plus éloquents et bouleversants qu’un long discours; on a juste envie de s’en souvenir comme d’autant de talismans.
Ici pas besoin de lunettes 3D pour les effets spéciaux, ils sont faits maison, les secousses violentes vous saisissent en direct, à bras le corps, dans la lutte âpre et déchirante de deux enfants menacés par le naufrage de leurs parents. L’ogre de père pleure son impuissance noyée dans l’alcool, le regard émeraude de la mère égarée s’illumine et implore tour à tour, “ce n'est pas qu'elle a une maladie incurable, c'est seulement qu'il n'y a rien entre son cœur et le monde ».
Ce film est une claque pour chacun d’entre nous.
Mathilde la fée circassienne magicienne n’a que 21 ans, sous son chapiteau improbable elle transforme la misère en beauté comme le colibri de la légende:
“Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit: «Colibri! Tu n’es pas fou? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! »
Et le colibri lui répondit:«Je le sais, mais je fais ma part.»
Ce film est une rencontre rare et précieuse; de ces films qui ne changent pas le monde
mais peuvent aider à opérer sur soi-même une révolution.
De ces films indispensables à conserver dans sa trousse d’urgence,
un film petit cailloux blanc du petit Poucet pour retrouver le chemin de notre âme.