Ce film est dégueulasse. Je ne parle pas de la forme qui est ce qu'elle est, mais de l'intention obscène des auteurs qui, sous prétexte de dénoncer une absurdité font en fait œuvre de "téléréalité" au détriment de quelques jeunes "issus des quartiers en difficulté". Le documentaire aborde un dispositif d'aide à l'emploi, par une agence privée dont le service "offert gratuitement" aux entreprises marchandes, suite à un marché public remporté, pour 4 jeunes qui n'ont aucunement les codes pour "se vendre". Mais ce qui est surtout montré, c'est l'aspect rugueux et inadapté de ces jeunes, et pas vraiment le monde qui les entoure. Certes, les auteurs n'inventent rien, mais ils font le choix de garder des séquences où ils sont ridicules, tout comme le font les émissions de télé-réalité du style Loft ou Secret Story le font quand elles présentent un résumé du jour. Tel jeune parle "wesh wesh", tel autre ne trouve pas ses mots, un autre dit qu'il va "défoncer son frère", mais la pire victime est sans doute Lolita : elle est en effet montrée sous des aspects peu valorisants (
elle s'exprime mal, n'est pas vraiment réveillée, s'habille de manière pas vraiment sexy, s'endort même dans l'entreprise entre deux rendez-vous, raconte les agressions qu'elle a provoqué lors d'une simulation de recrutement, bref est montrée "brut de décoffrage"
-- hilarité générale du public à chaque passage). Sans aucune contextualisation. Au hasard d'un dialogue, on apprend cependant qu'elle "souffre" mais ne veut en dire plus à la camera. A aucun moment, on ne dénonce le système éducatif qui amène ces jeunes là (avec pas ou peu de diplôme), ni la stigmatisation de l'origine sociale ou géographique . C'est un huis clot au sein de l'entreprise de placement,
sauf le moment d'une "foire aux jobs", où on assiste aux offres si généreuses que les Mc Do, Lidl, ou autres marchands proposent, vivement animé par un "manager" qui entend réveiller ces jeunes endormis. Bref, vive les emplois peu rémunérés, cette "chance" offerte aux jeunes des quartiers !
La salle, composée de gens éclairés et probablement très intelligents, rit souvent principalement en se moquant ou en exprimant parfois du mépris (
ces jeunes touchent 300€ par mois pour suivre cette recherche, qu'ils suivent peu scrupuleusement, certains oublient leur rendez-vous, restent couchés chez eux
-- quel scandale ! Quelle bande d'assistés qui ruinent la France ! ont dit mes voisins). Le film, qui a obtenu divers soutien de financement public, fait son beurre sur la pauvreté de ces jeunes, montré ici en freaks d'une société qui va sans doute trop vite et méchamment inégalitaire. Au final, ces jeunes n'ont toujours pas trouvé de boulot, et sont sans doute encore aujourd'hui en train de galérer, à toucher des aides sociales, ou en exerçant des petits boulots manuels mal rémunérés. Mais ils auront bien diverti le public issus des bonnes familles spectatrices. Alors à quand un documentaire sur les "fils de" des beaux quartiers (au hasard de Neuilly) qui intègrent les grandes écoles grâce à leur relationnel familial, leur fortune, et leurs réseaux ?