Lorsque, le 1er Avril 2014, "Le Challat de Tunis" est sorti en Tunisie et, lorsqu’en mai 2014, il a été projeté à Cannes, dans le cadre de la (très bonne) sélection ACID, on était loin de penser que pourrait intervenir, moins d’un an plus tard, l’attaque du musée du Bardo, un événement dramatique qu’il sera difficile de traiter de façon aussi légère que le fait divers que nous raconte Kaouther Ben Hania. Durant l’été 2003, on prétend qu’un homme parcourt en moto les rues de Tunis, une lame de rasoir à la main, lame qu’il utilise pour taillader les fesses des jeunes tunisiennes. Rumeur ? Fantasme ? Vérité ? Manipulation politique ? 10 ans plus tard, une journaliste et un cameraman décident de mener l’enquête. Cette enquête va les mener jusqu’à la prison dans laquelle le « challat » est censé être emprisonné depuis 10 ans. Par ailleurs, ils vont aller jusqu’à organiser un casting qui leur permettrait de trouver un « challat », un « balafreur » crédible. "Kaouther Ben Hania" réalise avec Le Challat de Tunis son premier long métrage de fiction. Une fiction dans laquelle elle fait tout pour la présenter comme étant un documentaire. Un documentaire d’investigation qui associerait l’ironie et la dérision à la recherche de la vérité. Le vrai et le faux se télescopent en permanence et la réalisatrice semble se délecter à entraîner le spectateur sur des fausses pistes. Ce mélange des genres tourne malheureusement très vite au procédé et finit par lasser. C’est d’autant plus dommage que le film nous donne par ailleurs d’excellentes répliques pleines de machisme ordinaire. Au final, on est un peu peiné d’émettre des réserves sur un film réalisé par une jeune tunisienne. Soyons précis : ces réserves ne concernent que la forme, l’idée de départ, pas plus mauvaise qu’une autre, tournant trop vite au procédé par manque de maîtrise de la réalisatrice. Concernant le fond, par contre, le film nous en apprend beaucoup sur une période récente de l’histoire de la Tunisie et, tout particulièrement, sur les rapports délicats entre hommes et femmes dans ce pays.