Le rap, on aime ou on n’aime pas, voire on déteste : bien souvent une question de génération ! Et un film sur le milieu du rap, ou, plutôt, sur un milieu particulier du rap ? Eh bien, même quand on n’aime pas le rap, on peut aimer un film qui en parle et dans lequel on en entend ! Tout cela grâce à un réalisateur, Pascal Tessaud, originaire de la Seine-Saint-Denis, fils d’ouvrier, ex étudiant brillant et qui réalise avec "Brooklyn" son premier long métrage, en se réclamant de cinéastes comme Paul Carpita et de Ken Loach. Adepte du cinéma Guérilla, le plus indépendant des cinémas, Pascal Tessaud a préféré produire lui-même son film avec les moyens du bord, sans attendre l’aide du CNC qu’il n’aurait d’ailleurs sans doute pas obtenue. Tourné pour 6 000 Euros, avec un appareil photo, Brooklyn nous emmène à Saint-Denis, parmi les amis du réalisateur, dans un monde du rap éloigné du rap commercial dont nous abreuvent télés et radios et dans lequel on ne parle que de violence, de drogue, de fric et de filles. Un film qui fait penser, toutes proportions gardées, à "Inside Llewyn Davi"s des frères Coen, consacré lui au monde du folk new-yorkais, au début des années 60. On y retrouve, parmi de nombreux autres, trois personnages principaux. Jalil Naciri, toujours excellent, dans un rôle de « grand frère » s’occupant d’une association d’apprentissage au rap. KT Gorique est une jeune rappeuse suisse, sacrée championne du monde d’improvisation Hip Hop, à New York, en 2012 et elle joue ici le rôle de Coralie, Brooklyn pour la scène, une jeune rappeuse … suisse, venue tenter sa chance en France. Elle n’avait auparavant jamais « joué la comédie » : elle est absolument excellente ! Rafal Uchiwa interprète lui le rôle d’Issa, un rappeur un peu paumé, plutôt sympathique mais influençable, du genre à suivre les mauvaises personnes plutôt que les bonnes. A noter que les dialogues de ce film bourré d’énergie ont tous été improvisés lors du tournage. Dans les débats qu'il a avec le public, Pascal Tessaud tient à insister sur la mauvaise image que peut avoir le rap à cause du rap commercial inculturé qu’on entend sur les ondes alors que celui qu’il défend, celui qu’on entend dans son film, est pour lui l’œuvre de jeunes des banlieues ayant une conscience sociale et politique. Il parle aussi régulièrement du réalisateur marseillais Paul Carpita, sur lequel il a fait paraître un livre d’entretien intitulé « Paul Carpita, Cinéaste franc-tireur » (livre préfacé par Ken Loach). Pascal Tessaud lance souvent des piques acérées contre le CNC, qui, refusant son agrément à son film, prive le cinéma Guérilla que lui défend d’une source de revenus permettant de produire de nouvelles œuvres. Heureusement, son film avait fait partie de la sélection ACID de Cannes 2014 et il a pu sortir en salles, le 23 septembre dernier.