Une mise en scène menée avec aisance du début à la fin ! Une maîtrise totale. Spielberg démontre encore une fois son savoir-faire en matière de réalisation.
La caution "histoire vraie" offre une plus-value au film qui bénéficie tout de même d'un trio alléchant avec la présence du maître Spielberg - dont la réalisation se révèle impeccable sans être transcendante (malgré quelques scènes symboliques dont le parallèle entre les Allemands de l'Est franchissant le mur et des adolescents américains sautant une clôture) - et du duo Hanks/Rylance (irréprochable de sobriété). Mais il en fallait bien autant pour passer outre la lenteur de l'intrigue et son absence totale de suspense. Quelques touches d'humour saupoudrent heureusement l'histoire comme si la conscience de sa banalité était acquise. Divertissant.
S'il n'est pas, loin s'en faut un réalisateur au cinéma résolument engagé, Steven Spielberg n'en demeure pas moins un humaniste sincère qui n'hésite pas à s'emparer de sujets qui lui tiennent à cœur quand il s'agit de mettre en avant le destin d'hommes à priori ordinaires qui se sont extirpés de leur condition en prenant des risques énormes pour défendre des principes qui face à l'adversité les révèlent à eux-mêmes par un geste héroïque. C'est Oskar Schindler, industriel allemand plutôt corrompu et membre du parti nazi qui utilise sa position pour sauver la vie de 1200 juifs ("La liste de Schindler" en 1993). C'est Abraham Lincoln, ancien juriste devenu député puis Président des Etats-Unis qui deux ans après son élection en 1861, rédige la proclamation de l'émancipation des esclaves avant de trouver la mort, assassiné en 1865 alors qu'il tentait de mettre fin à la Guerre de Sécession ("Lincoln" en 2012). Dans "Le pont des espions", c'est James B. Donovan, avocat spécialisé dans le contentieux en assurance, incarné pat Tom Hanks qui en pleine Guerre Froide (1957) accepte de défendre un espion russe, Rudolf Abel (Mark Relance) promis à la chaise électrique. Le scénario du film a été initialement écrit par Matt Charmant, un jeune scénariste anglais qui le propose à Dreamworks. Steven Spielberg se montre vite intéressé. Les choses ne trainent pas et les frères Coen retouchent le scénario pour le mettre en conformité avec les attentes du réalisateur. Les moyens sans être dispendieux (40 millions de dollars) sont présents pour permettre une reconstitution historique minutieuse comme à chaque fois avec Spielberg. L'entrée en matière virtuose nous présente en trois dimensions la personnalité éclatée de l'espion tranquillement installé dans son minuscule appartement de Brooklyn devant un chevalet, se regardant dans un miroir et posant son portrait sur une toile. Chacun d'entre nous peut revêtir plusieurs personnalités ou identités mais derrière ces enveloppes successives qu'elle est celle qui prédomine ? Un coup de téléphone déclenche une course poursuite dans les rues de New York qui conduit à l'arrestation de Rudolf Abel qui devient très vite un sujet embarrassant, l'Amérique étant alors sujette à un anti soviétisme devenu quasi paranoïaque. Entre alors en scène James B Donovan incarné par le protéiforme Tom Hanks qui retrouve Spielberg pour la quatrième fois et dont le réalisateur prend largement son temps pour montrer qu'il est le représentant archétypal de "l'American way of life" que rien ne prédispose à mettre en danger sa situation confortable pour défendre un homme dont la cause semble perdue. A tel point qu'au final, les raisons profondes de son engagement apparaissent assez peu lisibles. S'ensuit alors une description très réussie de la relation entre les deux hommes qui finissent par comprendre que par-delà leurs origines différentes, ils sont tous les deux faits du même bois . Ce jeu de miroir qui constitue sans doute l'intérêt principal du film, doit beaucoup à Mark Rylance, acteur de théâtre anglais plutôt rare au cinéma qui parvient à donner à son personnage une forme de détachement teinté d'humour qui explique parfaitement l'engagement toujours plus fort de James B. Donovan qui ne peut que vouloir être à la hauteur de ce petit homme chétif (rappelant étrangement Paul Crauchet, grand second rôle du cinéma français des années 1960 à 1980) que la mort ne semble pas effrayer. Vilipendé pour avoir obtenu la vie sauve à son client, James B. Donovan obtiendra sa revanche quand l'espion russe servira de monnaie d'échange contre deux ressortissants américains sur le pont de Glienicke qui relie Berlin à Postdam. Le film prend alors le ton plus conventionnel du film d'espionnage que Spielberg adopte sans faute note mais aussi de manière un peu manichéenne, laissant apparaître un patriotisme un peu systématique que lui-même n'a d'ailleurs jamais renié. "Le pont des espions" est donc un excellent film du réalisateur des "Dents de la mer", capable comme Tom Hanks son acteur désormais fétiche de se transporter dans tous les univers avec une efficacité jamais prise en défaut même si on l'a déjà dit elle est presque toujours empreinte d'une sagesse et d'un goût de la perfection visuelle qui en amoindrissent la force de conviction.
“Le Pont des Espions“ est un film dont on ne peut pas reprocher grand-chose, à part son côté conventionnel. De structure classique certes, mais classieuse surtout, ce plongeon dans les années 50, en pleine Guerre Froide, sur les sols russes et américains, est toujours instructif à défaut d’être envoutant. Mais jamais l’ennui ne pointe son nez lors de ces 2h de jeux d’espions et de rebondissements sages, le récit et sa mise en scène restent diablement efficaces. La pâte « Spielbergienne" est visible dans la reconstitution d’époque parfaite, et dans cette nouvelle immersion de luxe dans un épisode de l’Histoire, comme le réalisateur l’avait déjà humblement fait dans “La Liste de Schindler“, “... Soldat Ryan“, ou particulièrement “Munich“. T.Hanks est (à nouveau) parfait pour le rôle, taillé pour sa filmographie sérieuse et dense. Mais l’interprétation de M.Rylance, quoique assez courte finalement, remporte l’adhésion par son originalité dans un ensembles plutôt convenu. La sobriété est l’atout maître de cette oeuvre, très intéressante, très propre et très sérieuse. Toutes ses qualités, un peu trop parfaites, est un exercice de style remarquable, une belle mécanique qui en oublie une certaine émotion. Captivant sans être passionnant.
Après son biopic sur Lincoln en 2012, Steven Spielberg revient en 2015 avec un autre biopic, signant par la même occasion sa quatrième collaboration avec Tom Hanks, l'un de ses acteurs fétiches. Le Pont des Espions s'avère donc être un drame d'espionnage narrant les mésaventures de James B. Donovan, simple avocat, qui se retrouve propulsé dans l'URSS de la Guerre Froide afin d'échanger un pilote d'avion américain contre un agent de renseignement soviétique retenu aux États-Unis. Un sujet atypique pour le réalisateur américain qui nous livre une fois encore un petit chef-d’œuvre injustement méconnu. Comme toujours pourfendeur des injustices et friand des vrais héros américains, Spielberg présente ici un avocat haï par sa patrie, lui qui a voulu défendre un espion russe. Perdant le procès, dévisagé dans le tramway, bien moins respecté par ses enfants, James voit son "honneur" lorsqu'on lui propose d'aller directement en Russie afin de négocier un échange entre son ancien client et un soldat américain, symbole du patriotisme le plus avancé. Mission quasi-suicidaire pour un homme de loi prêt à tout pour non seulement rendre le soldat prodigue au pays mais aussi un étudiant américain dont le gouvernement n'a en revanche que faire, quitte à s'aventurer dans les lignes ennemies sans aucune protection diplomatique. Pointant du doigt l'hypocrisie de son propre pays, le réalisateur démontre qu'il n'y a pas forcément besoin d'action pour époustoufler, juste une mise en scène soignée et maîtrisée qui en fait ici véritable thriller haletant de bout en bout. Co-écrit par les frères Coen, Le Pont des Espions démontre d'un savoir-faire bluffant, Spielberg enchaînant les séquences les plus visuellement virtuoses avec une aisance déconcertante. Que ce soit une filature palpitante en début de bobine rappelant fortement French Connection, une confrontation glaciale entre de jeunes autochtones ou de nombreux dialogues présentés avec une finesse rare, Steven dépasse une fois encore les espérances et nous plonge dans un réel film d'espionnage, poignant et intelligent.
Steven Spielberg se penche sur la guerre froide dans un récit finement construit, interprété de bout en bout par des acteurs transmettant des émotions délicates. Mark Rylance (le Bon Gros Géant) avait déjà collaboré avec Spielberg. La méthode qu'il a acquise en réalisant des films comme La liste de Shindler ou Munich, histoires vraies bien entendu, est une fois de plus appliquée ici dans ce film dont la sortie n'a fait que très peu de remous parmi les salles obscures... Et pourtant, la reconstitution historique est appréciée, l'ambiance est particulièrement froide, tendue et émotionnellement instable. Un bon film, qui prend le temps de narrer une histoire (vraie) touchante de sincérité et de réalisme.
Une belle leçon d'histoire qui nous replonge à l'époque de la guerre froide avec en filigrane le mur de Berlin notamment. Alternance de négociations, de passages historiques, et de moments intimistes. Du Spielberg évidemment.
Au milieu de nombreux films d'espionnages comme Kingsman, Spy, Mission impossible ou Spectre, ce long métrage de Steven Spielberg était très attendu. Néanmoins, cette oeuvre cinématographique n'est pas le film d'espionnage même s'il le porte dans son titre "espions". Le film se découpe en deux parties bien différentes. La première partie avec la mise en place de la mission sur place aux Etats-Unis et la relation entre les deux personnages principaux. La deuxième partie est plus tendue avec le déroulement de la mission sur place. La performance de Tom Hanks en avocat est excellente. Et la symbolique du pont où se déroule l'échange. Ce pont, symbole de liaison et de réunification où le final haletant du film se déroule. Toute l'ambiance stressante et tendue du film permet de plonger le spectateur dans un univers à part. Au final, excellent film encore une fois du maître Spielberg.
Bon film malgré quelques réserves. Sur le plan visuel, j'ai apprécié le travail de reconstitution du Berlin de 1960, etc. Le scénario est tiré d'une histoire vraie mais Spielberg a su trouver des marges de manœuvre pour ne jamais faire baisser la tension et garder ainsi notre attention. Ce qui m'a un peu déçu, c'est que dans la première partie, le réalisateur a su prendre des risques en montrant que chez les Américains aussi l’État de droit était une illusion. Le gouvernement demande à Tom Hanks non pas de défendre l'accusé mais de faire semblant de le défendre. Quand l'avocat prend un peu trop au sérieux sa mission, les ennuis arrivent vite. Cette partie est particulièrement réussie. La suite du film est beaucoup plus conventionnelle : on suit le héros tenter de convaincre les soviétiques de procéder à l'échange de prisonniers. Dans cette seconde partie, ce sont les décors qui sont le plus réussis, au milieu desquels Tom Hanks fait son numéro d'acteur, plutôt bien d'ailleurs. J'aurais préféré que Spielberg reste concentré sur les dysfonctionnement de la démocratie américaine.
Le pont des espions est un film plus léger et plus facile qu'il n'en paraît. Il y a même de l'humour. Il est très bien joué. Une bonne partie du film est véridique : l'avocat joué par Tom Hanks est James Donovan. La réalisation est excellente. Le film ne ressemble en rien à un film d'espionnage : il est original et il est devenu un film de référence.
Le Pont des Espions marque par ses balbutiements, par le tâtonnement de son protagoniste principal que le film retranscrit par sa mise en scène, nous rappelant ainsi que l’espionnage, tout comme la quête pacifiste, s’opèrent à l’ancienne : un numéro noté sur un vieux bout de papier, un message caché dans une pièce creuse, un coup de téléphone libérateur attendu jusqu’à l’épuisement. On voit donc la négociation froide d’une guerre froide mais menée à des fins chaleureuses et humaines, soit la perspective d’une entente voire d’une paix entre les puissances. Malgré un final quelque peu appesanti par la grandiloquence et la composition musicale de Thomas Newman aux accents patriotiques trop appuyés, le film parvient à un savant équilibre entre le miroir dressé contre l’Amérique dans lequel se reflètent une haine contraire à la Constitution donc aux fondements américains et l’aventure d’un homme qui, contre vents et marées, avance au nom de la justice. Spielberg revient à la source du patriotisme et rejette le fanatisme aveugle qu’un peuple – et les médias qui l’alimentent – nourrit à l’égard d’autrui. Le travail de la lumière est par ailleurs d’une intelligence redoutable, plongeant Donovan dans l’obscurité lorsqu’il est sous les feux des projecteurs pour l’imprégner de lumière quand il triomphe intérieurement, en parfait accord avec ses principes ; le mariage des deux s’opérant dans la fin lumineuse, cette vitre de tramway pleine de lumière mais obstruée de part et d’autre par l’ombre, annonce des sacrifices réalisés et de ceux qui seront à faire par la suite. Le travail de la tension se construit dans un vaste crescendo dramatique et rythmique remarquable que la musique ne porte pas assez ; il manque peut-être John Williams à la baguette, bien que Thomas Newman demeure un excellent compositeur mais guère habitué à la poétique (et aux subtilités) de Spielberg. En somme, Le Pont des Espions consacre Steven Spielberg et Tom Hanks historiens d’une Amérique confrontée à son patriotisme problématique, porte-étendards d’un patriotisme assaini en respect profond avec les origines humanistes de la grande Amérique. Fiers de leur pays ils le sont ; on ne saurait le leur reprocher.