Une présence menaçante, visible ou invisible ; une malédiction contagieuse ; une course-poursuite contre la mort ; une angoisse sourde et permanente, ponctuée d'apparitions tétanisantes... Posé ainsi, le scénario de ce film d'épouvante ne présente rien de très original. Sauf que l'action se situe dans les années 1980 et que la malédiction se transmet sexuellement. La métaphore du sida est plutôt habile. Elle exprime aussi un certain puritanisme états-unien, une peur et une culpabilité liées au sexe. Le péché, le mal, la punition. Voilà qui crée un sous-texte intéressant. En revanche, on peut tiquer éthiquement sur l'idée de la transmission sexuelle volontaire de la "chose" pour éloigner le danger, même s'il n'y a probablement là qu'un artifice de scénario pour donner un moteur à l'intrigue, en créant des tensions entre les personnages. On peut se demander, par ailleurs, si le principe du film, la course-poursuite contre une mort aux multiples visages, n'aurait pas mérité quelques développements annexes pour étoffer le propos. On peut enfin s'interroger sur le fait que les adultes sont quasi absents dans le film, aux côtés d'ados qui semblent livrés à eux-mêmes. Mais au-delà de ces questions sur le fond, force est de reconnaître la grande réussite formelle du film. David Robert Mitchell, dont ce n'est que le second long-métrage après un premier resté inédit en France, possède déjà une science très sûre de la mise en scène. Sans grands effets spéciaux, la réalisation témoigne d'une intelligence et d'une précision de tous les instants, rendant le film particulièrement intense et efficace dans son genre. La gestion du cadre est flippante, avec une parfaite maîtrise de l'arrière-plan et du hors-champ, doublée d'un jeu convaincant sur les points de vue objectifs et subjectifs. Les zooms avant fonctionnent bien. Et côté ambiance, la scène de la piscine est très réussie. Il faut aussi souligner le travail du son, excellent, et la qualité de la BO, branchée en mode synthé des eighties. Belle stylisation d'ensemble, donc, pour un film qui apparaît déjà comme un nouveau petit classique du film d'épouvante, quelque part entre le Rosemary's Baby de Roman Polanski, le Halloween de John Carpenter, Les Griffes de la nuit de Wes Craven et le Ring d'Hideo Nakata.