C’est froid, sale, délabré, mal entretenu, triste, glauque et violent. Voilà ce qu’est « The Tribe », la tribu, celle constituée exclusivement par des muets et malentendants dans un foyer ukrainien. A noter que tous les acteurs sont réellement muets et malentendants. Première originalité du film. Deuxième originalité, le réalisateur, dont j’éviterai de recopier le nom, va plus loin en refusant tout commentaire et sous-titre. Peu importe que l’on ne sache pas lire le langage des signes, le plus important c’est de comprendre ou finir par comprendre ce qui s’y passe. En cela, le parti pris est culotté. Par contre, quand le réalisateur apparente son film à un film muet, je ne peux partager son point de vue. Son film est sonore. En effet, on entend tous les bruits extérieurs et ceux émis par les protagonistes. Son refus de tout langage sonore va l’obliger à placer sa caméra à distance ou à l’extérieur d’un bâtiment ; par exemple, la scène des visas où un homme accompagne les deux jeunes filles et sert de traducteur aux agents. On suit la scène d’une fenêtre. Radicalisation poussée jusque dans un train où Sergeï passe de compartiment en compartiment pour vendre des babioles et on n’entend même pas un « non ». On peut penser que les voyageurs répondent par mutisme à Sergeï. Est-ce vraiment original ou marginal ? En tout cas, ce film tout en plans-séquences, nous décrit un univers très peu fréquentable : prostitution, racket, violence. Et si au départ, j’avais de l’empathie pour Sergeï, tout juste arrivé dans ce foyer et malmené, je n’en avais plus au bout de 20mn de film. Et encore moins pour les autres personnages. Difficile d’avoir de l’empathie pour ces jeunes qui semblent livrés à eux-mêmes ou cautionnés par des adultes tout aussi antipathiques. Je dois reconnaître que la séquence de l’avortement est saisissante, mais cette violence qui transpire à chaque plan et cette ambiance glauque ne m’ont inspiré aucune émotion. Est-ce aussi un parti pris que de nous raconter qu’une face de ce foyer ? Rien du côté des enseignants, ou si peu. Il aurait été intéressant de voir un des personnages s’entretenir avec le responsable du foyer, un conseiller, avoir un autre revers de la médaille. Non, le réalisateur a opté pour un côté déplaisant. Un quotidien fait de violence. Comment, au bout du compte, ne pas garder ses distances ? J’étais plus observateur que concerné. En tout cas, je n’ai pas vu le temps passé.