Une merveille de délicatesse, de subtilité où aux non-dits des héroïnes s'oppose un monde d'hommes, un monde de brutes.
Le cinéma coréen: le deuxième plus important du monde, après celui des Etats Unis. Il est le champion des thrillers noirs de noir. Mais aussi, à partir de rien, la vie de tous les jours, des enfants (les enfants si bien filmés!) il peut composer un chef d'œuvre. Dans A girl at my door, film de femme, on retrouve la subtilité des plus grands maîtres japonais en y ajoutant une petite note glauque, ambigüe. Et dire que, comme Chemin de Croix précédemment, ce film a tenu une semaine avant d'être confiné à une poignée de petites salles, ou de salles consacrées à l'art et essai pur et dur. Merci à elles.... Les films "différents" n'ont aucune chance face aux nanars estampillés qui tiennent l'affiche, genre le dernier Ozon, ou celui à venir d'Hazanavicius (écoutez le dit répondre que non-non, il n'a jamais mis les pieds en Yougoslavie, mais il s'est "informé".... un bon moment
Young-Nam (Doona Bae) est mutée comme lieutenant de police dans une petite ville côtière. Et ce n'est pas une promotion! Elle a été impliquée dans une affaire de mœurs; apparemment, au Pays des Matins Calmes, on ne rigole pas avec le sexuellement correct. Que je n'entende plus parler de toi -telle est, en gros, le message de son supérieur hiérarchique lorsqu'elle quitte Séoul. On a là un formidable croquis de femme, aussi déterminée et sûre d'elle dans son boulot de flic qu'elle est mal à l'aise, hésitante et introvertie dans sa vie privée et son rapport avec les autres.
La petite ville, c'est un monde d'hommes. Et pas du raffiné. Apparemment, les trois ou quatre flics qui composent la brigade n'en reviennent pas d'être dirigés par une femme. La ville vivait de la pêche au poulpe et aux huîtres, mais tous les jeunes sont partis. La ville est maintenant aux mains du seul jeune type restant, Yong-Ha (Song Sae-Byeok), une brute alcoolique qui en important des travailleurs clandestins permet à la pêche de se maintenir. Et là, est le principal reproche que l'on peut faire au film de la jeune réalisatrice July Jung: Yong-Ha est trop. Autant les personnages de femmes sont merveilleux, autant celui de l'homme est caricatural.
La première personne que rencontre Young-Nam dans sa nouvelle implantation, c'est Dohee (comment dire? grande petite fille? jeune ado?) molestée par ses camarades. C'est la fille de Yong-Ha. Depuis que sa mère est partie, elle est continuellement battue, chaque fois que son père est ivre (c'est à dire tout le temps) par celui ci, ainsi que par sa grand mère, une folle dingue, tout aussi méchante, qui roule sur les nationales en moto-tracteur.
Là encore, un personnage exceptionnel. La jeune actrice, Kim Sae-Ron, est exceptionnelle. Elle nous fait, par moments, penser à la Charlotte Gainsbourg du temps de L'effrontée; mais avec une dimension perverse en plus. Sur un corps qui est vraiment celui d'une gamine non pubère, elle a un visage déjà de femme, avec des expressions qui passent de la détresse à la rouerie; ses crises de rage sont destructrices. En fait, comment cette petite fille maltraitée depuis l'enfance pourrait elle être normale? Et elle s'accroche à Young-Nam, elle pourrait être la fille qu'elle n'a pas et n'aura sans doute jamais. La jeune femme la recueille, la nourrit, lui achète des vêtements, ses uniformes d'écolière sont trop petits, elle a besoin de tout...
Et après? Ben après, c'est le film. C'est à vous de le voir. Vous ne le regretterez pas. Après un début un peu lent, vous êtes petit à petit englué dans cette histoire d'une pudeur très extrême orientale dont on ne sait jamais si elle est trouble -ou pas. De la dentelle, je vous dit, de la dentelle! A voir.