La réalisatrice israélienne Karen Yadeya tourne peu, mais ses films ne laissent jamais indifférent : "Mon Trésor", son premier long métrage, film sur la prostitution, avait obtenu la Caméra d’Or au Festival de Cannes 2004 ; "Jaffa", son deuxième, film sur les relations entre arabes et israéliens dans une ville israélienne, avait été présenté en sélection officielle du Festival de Cannes 2009, dans une séance spéciale ; présenté dans la sélection Un Certain Regard lors du Festival de Cannes 2014," Loin de mon père", film sur l’inceste, a le plus souvent beaucoup choqué et a fait l’objet d’un rejet assez massif de la part de la critique et du public. Rejet mérité, ou pas ? Le film raconte l’existence de Tami, une jeune femme d’une vingtaine d’années, qui vit en couple avec Moshe, un homme qui a environ 30 ans de plus qu’elle. Cet homme, c’est son propre père. Au sens propre du terme, "Loin de mon père" est un film d’horreur, ce qui peut expliquer le rejet qu’il peut provoquer. Sauf qu’ici, il ne s’agit pas d’une horreur fabriquée pour le cinéma, genre vampires ou méchants extraterrestres, mais d’une horreur qui, malheureusement, existe pour de vrai. Cette horreur, Keren Yedaya veut la combattre avec son arme, le cinéma. Pour combattre une telle horreur, il faut en montrer tous les ressorts. Avec une mise en scène d’une grande sobriété, Keren Yedaya secoue le spectateur, bien aidée qu’elle est par une distribution sans faille. Si Maayan Turjeman, qui joue Tami, tourne ici son premier film, Tzahi Grad, qui joue Moshe, est un comédien et réalisateur reconnu en Israël. Et que dire de Yaël Abecassis, véritable pilier du cinéma israélien et qui, ici, joue Shuli, la « rencontre » que va finir par faire Tami ? Le cinéma de Keren Yedaya n’est pas un cinéma de repos ou de paresse, mais c’est un cinéma important, un cinéma de courage. En fait, il y a un peu de Haneke chez elle.