La mère d'Eric, un enfant de 10 ans, étant dans la nécessité de le lui confier pour une durée indéterminée, Gabriel se retrouve du jour au lendemain ayant la charge de ce fils qu'il connaît à peine, dont il ne s'est jamais occupé jusque là. Le père et le fils se découvrent mutuellement, mais, pour ce dernier, les désillusions ne tardent pas à paraître. Gabriel vit si chichement de son métier de charpentier qu'il se contente d'habiter dans un gourbi. Peut-être Eric pourrait-il néanmoins s'habituer à cette vie plus que modeste si son père n'avait pas l'idée de l'emmener avec lui sur son lieu de travail. Le choc est d'autant plus grand que Gabriel travaille dans une riche demeure dont la maîtresse de maison se prénomme Maria Isabel. Entre Eric et le fils de cette dernière se noue une complicité qui ne tarde pas à se muer en hostilité. Quand on lui demande des explications, tout ce qu'Eric trouve à dire, c'est que l'autre garçon "se la pète"!
La vérité, c'est qu'Eric crève de jalousie et qu'il voudrait, lui aussi, pouvoir "se la péter"! Dans son coeur, naît et grandit quelque chose qui ressemble à de la honte, la honte de son père, la honte de sa condition sociale.
Gabriel a beau lui promettre qu'ils déménageront bientôt pour habiter tous deux dans un plus bel appartement, cela ne change rien. Eric ne rêve que d'être un enfant de riche au lieu d'avoir ce père qui lui semble sans envergure! Aussi, quand Maria Isabel propose à Gabriel et à son fils de les emmener passer les fêtes de Noël dans une riche et confortable demeure de sa famille, Eric se réjouit. Mais les bons sentiments et les bonnes intentions ne sauraient suffire. Même si la famille de Maria Isabel se rassemble volontiers pour réciter le rosaire, est-ce si simple d'accueillir chez soi un enfant de pauvre? Les débuts sont toujours prometteurs, mais les soupçons et les méfiances ont tôt fait de réapparaître...
Eric pourra-t-il longtemps "se la péter" chez les gens aisés? Et père et fils finiront-ils enfin par se retrouver ou, plus simplement, par se trouver l'un l'autre?
C'est un film magnifiquement réalisé et interprété que nous propose le colombien Franco Lolli. Car l'histoire qu'il nous conte ici se déroule en Colombie, du côté de Bogota. C'est un des mérites de "Gente de bien" que de nous faire voir un autre visage de ce pays que celui qui vient spontanément à l'esprit. Pas de drogue ni de violence ici! Ou plutôt, s'il y a violence, ce n'est pas celle à laquelle on pourrait s'attendre. C'est une autre forme de violence, une violence feutrée, une violence qui a le goût du mépris, de l'envie et de la honte. Pour Eric comme pour son père Gabriel, il faut passer par bien des désarrois et des humiliations pour entrevoir le coeur de l'autre. Et si le chemin de l'un à l'autre s'ouvrait non pas à cause d'un être humain mais d'un animal? Un chien, par exemple...? 8/10