Quand les nerfs de la guerre sont irrités par un gouvernement passif, il faut envoyer le loup pour remettre de l’ordre dans la meute. C’est ce que nous explique le journaliste Michael Hastings dans son ouvrage « The Operators: The Wild and Terrifying Inside Story of America’s War in Afghanistan”, mais ses arguments sont discutables, tout comme les choix du réalisateur pour l’adaptation Netflix. David Michôd met donc en avant l’absurdité d’une guerre que mène un général sur deux fronts. Il se confronte d’abord contre sa hiérarchie et son système qui ne lui convient pas, puis contre ses propres motivations.
Brad Pitt campe ainsi Glen McMahon, adepte des manœuvres « traditionnelles ». Or, le contexte veut qu’il intervienne dans ce qui devient communément une « guerre moderne ». Les affrontements ne se font plus autant sur le terrain mais dans les bureaux administratifs. Ce sont des confrontations verbales qui n’ont parfois pas de sens. C’est de là que part le ton humoristique que le réalisateur utilise pour rendre le film fluide. La troupe du général est introduite avec un dynamisme, qui couplée au montage un peu flou, reflète exactement la matière grise d’une nation en pleine évolution. On va et vient de tout part. Malgré tout, on suit discrètement McMahon, qui au fil du récit, devient l’ombre des guerriers d’antan. Sauf que lui, à l’instar du récent président Trump, le parallélisme fait réagir. Le fait d’envoyer plus de troupes sur place remet en cause la position d’arbitre mondial que les Etats-Unis prétendent être.
Le tour de force de l’intrigue réside donc dans ces arguments, persistant à dénoncer la caractère instable et immatériel d’un système. Chacun, par son influence, est susceptible de détourner leur mission à l’avantage d’une vision personnelle. En l’occurrence, les objectifs du général entrent en contradictions avec les valeurs qu’il défend, malgré les bonnes intentions. Tout le relief de l’étude repose derrière cette barrière solide en situation comique. On place en retrait toute autre nation ne partageant pas la même idéologie, jusqu’à pervertir notre conscience. Car oui, quelque part, nous partageons le sentiment que cette mission pour la paix soit une réussite. Mais inconsciemment, elle s’avère vouée à l’échec, dès le départ. Toute autorité devient ainsi interchangeable, sans remord ni conviction de faire avancer les choses comme il le faut.
Il est difficile de se faire son idée sur la question du film. Il dénonce l’impérialisme mais fait preuve de retenu envers le drapeau des Etats-Unis. Avec « Animal Kingdom » puis « The Rover », Michôd confirme ce qu’il sait faire de mieux pour rendre ses personnages attachant, quel que soit le contexte. « War Machine » ne fait pas exception et la satire de l’impérialisme est assez alléchante. On tire tout de même sur des longueurs absurdes qui reflètent sans doute la mentalité même du film. La durée montrerait à quel point tant d’efforts dépensés ne valent pas la peine d’être récompensé. Un film qui divertit autant qui porte à réflexion, à voir pour y croire !