Après de nombreuses adaptations (assez) originales, Disney nous ressert l’aventure de « la Belle et la Bête » en sens traditionnel. Bill Condon opte pour une réalisation hommage. Mais il négocie mal sa réalisation, en la bourrant de séquences longues, inutiles ou incohérentes.
Parlons un peu de celle qui occupe la quasi-totalité de l’écran, non pas parce qu’elle l’impose du fait de son engagement social, mais du fait de son personnage riche. Très cultivée et indépendante, Belle (Emma Watson) renvoie au féminisme, dans sa démarche intellectuelle. Cependant, des signes contradictoires vis-à-vis de ses situations ne sont pas cohérents. En effet, le film a parfois tendance à laisser trainer des idéologies que Belle n’assume pas jusqu’au bout… Quant à la Bête (Dan Stevens), il reste superflu et son masque numérique le rend moins crédible. Où est donc passé le monstre qui faisait régir l’enfant ? Il n’y a nul besoin de nous vendre un produit hideux non plus, mais une meilleure mise en scène aurait été judicieuse. On joue énormément avec un côté sombre, mais on ne l’exploite jamais à bon escient ou bien elle se démythifie dans les plus brefs délais.
Et pour Gaston (Luke Evans), comme à chacun, on note un jeu (trop) théâtrale. Le fait de passer en live doit permettre une perspective plus réaliste. Seul le décor parvient à se rendre envoutant, et ce n’est pas le centre d’intérêt. Toutes les interprétations restent confuses dans le fond. Il faut ainsi accepter le divertissement simpliste proposé avec d’atteindre le cœur, mais ce n’est pas une bonne chose d’en arriver à ce constat.
L’escapade musicale est belle et bien au rendez-vous, peut-être même un peu trop. On traine sur des longueurs qui sont marqué par des pauses esthétiques. Les célèbres chansons connaissent alors une chorégraphie plus ou moins fidèle afin de surprendre. Hélas, les effets visuels ne percutent pas assez. Les objets animés ne vivent que pour la comédie, sans pour autant rendre l’aventure plus alléchante, alors que le contexte s’y prête. Faute de quoi, le visionnage intégral de l’intrigue nous étourdit, sans fantaisie. Sur ce point-là, l’animation de Gary Trousdale et Kirk Wise (1991) n’a pas à être menacée.
De plus, le rythme se trouve saccader par le tourbillon musical, évidemment mal dosé pour une bonne lecture et appréciation du conte. Le fait est que l’on ne nous laisse pas suffisamment de temps entre deux chorégraphies ne s’emparer du cœur de l’œuvre. Ces scènes sont souvent écourtées par rapport à l’animation d’origine et sont souvent bâclées par un horrible montage. On a donc l’impression qu’il s’adresse davantage à un public nostalgique. Toutefois, de nouveaux éléments viennent s’ajouter afin de ne pas totalement sombrer dans l’effet miroir.
La personnification est un chose qu’Hollywood a l’audace de rendre inutile. Certaines scènes laisseront penser que la magie est de rigueur mais ici, tout se justifie par le concept de personnification. D’autre part, on ajoute de la profondeur dans le background des personnages principaux. Et une fois encore, il faut comprendre que le film doit pouvoir s’adresser à un public jeune. Il est nécessaire de tout expliquer… Il aurait tout de même pu trouver une forme plus subtile et aboutie afin de combler toutes les générations. Pour les apparitions secondaires, on insiste énormément sur des personnages de couleurs que les studios mettent énormément en avant, tout comme l’ascension de la Femme dans l’univers. Il n’est pas déplaisant de le voir, mais il n’y a pas de quoi s’enthousiasmer sur des détails, qui n’apportent rien, hormis une morale qui n’a pas lieu d’être ici. Il reste encore de nouvelles partitions que l’on identifiera rapidement, du fait d’une lourdeur inconcevable. Là où le film pouvait pencher à une argumentation construite et sérieuses, il repart de plus belle dans son flot de de chant narratif, redondant dans la forme et donc peu appréciable par la suite.
Il est ainsi navré de constater que, malgré l’effort, ce remake « live » se résume en un amas de codes trop bien respectés pour laisser la magie s’épanouir et nous guider. En échange, la sincérité et la crédibilité ont été ôté à une œuvre qui ne demandait qu’à être redécouvert sous de nouveaux angles. Un pari décevant dont la formule raisonne davantage avec Gripsou que la romance initialement promise !