Au Royaume des Singes poursuit la nouvelle naissance des documentaires de la boîte aux grandes oreilles. Après le succès inattendu de La Marche de L’Empereur en 2005 (que les créateurs de Mickey ont coproduit et distribué en France via Buena Vista), les studios Disney ont été motivés pour relancer le genre du documentaire chez la boîte de L’Oncle Walt, et c’est ainsi qu’en 2008, est apparu le label Disneynature, censé apporter tous les ans un nouveau documentaire signé Disney. Une relance plus que bienvenue selon moi. Ainsi, l’héritage de Walt Disney reprend vie (le papa de Mickey ayant lancé les True-Life Adventures, premiers documentaires du studio et gagnants de plusieurs oscars, qui se sont éteints après sa mort) et le studio peut nous proposer des films éducatifs agréables et soignés, collant parfaitement à leur image. Si vers ses débuts, Disneynature a eu légèrement du mal à s’imposer dans tous les pays du monde (Un Jour sur Terre et Océans de Jacques Perrin n’ayant été distribués sous le label qu’aux États-Unis et non en France), aujourd’hui, le label commence à prendre de l’importance et s’affirme de plus en plus pour mon plus grand bonheur. Les Ailes Pourpres – Le Mystère des Flamants, premier documentaire diffusé en France sous le label en question, fût un film assez sympathique mais on sentait qu’il s’agissait bien plus d’un essai que d’un véritable film, le thème n’étant pas assez riche pour remplir un film d’1h20. Les films distribués sous le label Disneynature uniquement aux États-Unis seront, eux, bien plus convaincants bien que n’étant pas des films gérés à 100% par Disneynature. Un Jour sur Terre et Océans se révélèrent particulièrement bien traités et magnifiques à l’œil. Deux grandes réussites.
Par la suite, le moins connu des Disneynature sortit et fît un joli flop, il s’agit de Pollen. Et ironiquement, en terme de films contrôlés intégralement par le label, ce fût mon préféré et de très loin. Le film proposait des images fort belles et une narration plus poétique donnant lieu à de très bons moments tout en nous racontant une excellente histoire d’amour entre les fleurs et les insectes. C’est alors que sortit, ce que j’aime appeler, la Trilogie des Familles Animales (classe hein). Eux sont bien plus connus. Félins, Chimpanzés et Grizzlys. Trois films avec des concepts quasi-identiques et une narration très similaire. Et les trois films ont aussi bien répété les mêmes qualités que les mêmes erreurs en 3 ans. Des images superbes, de belles histoires mais un narrateur à côté de la plaque et un fond trop simple. À partir de ces films, Disneynature a compris où il devait aller. Raconter les histoires de la Nature à travers des animaux « humanisés ». Cela permettant en plus au jeune public d’être plus facilement attiré par les documentaires. Et malgré leurs défauts, les trois films cités précédemment étaient très sympathiques.
Cette « trilogie » étant terminée, nous avons maintenant droit à Au Royaume des Singes, réalisé par Mark Linfield et Alastair Fothergill, les metteurs en scène de Félins, Chimpanzés et Grizzlys et qui a reçu un accueil critique extrêmement positif sur le territoire américain. Verdict ? Et bien, à n’en pas douter, Au Royaume des Singes est le plus touchant des Disneynature et celui qui livre le plus d’émotions. Cela est surtout dû à la chose la plus intéressante du film : Le système social des singes. Les macaques à toque sont en effet réellement étonnants par leur système de castes. Allant d’un mâle alpha suivi de 3 reines dominatrices jusqu’à une catégorie populaire de singes majoritairement reniée, tout est détaillé comme il faut et le récit a la très bonne idée de centrer son histoire sur une héroïne faisant partie de la caste la plus mal reçue. Le personnage de Maya est ainsi le plus attachant des films produits sous le label. Car oui, nous pouvons désormais parler de personnages vu le chemin qu’empruntent ces documentaires. Ma plus grande crainte avec Au Royaume des Singes, c’était qu’il se rapproche trop de Chimpanzés tant dans ses intentions que dans son histoire. Il n’en est rien. Au Royaume des Singes est même un Chimpanzés amélioré. C’est simple, les plus gros défauts du film en question ont été corrigés comme l’environnement représenté autant par de grands panoramas que par des plans plus rapprochés des visages des singes. Là où justement, Chimpanzés se situait dans une jungle beaucoup trop touffue et empêchait parfois la lisibilité de l’action. Autre amélioration comparé aux derniers Disneynature. C’est le nombre d’animaux présents à l’écran. Dans Félins, nous suivions 2 familles composées de lions et de guépards mais elles n’étaient pas représentatives de tout ce qui pouvait se passer dans la Savane. Dans Chimpanzés, nous suivions un petit groupe dont les personnages majoritairement mis en avant étaient au nombre de deux (voire trois si on compte le début avec la mère du petit Oscar). Dans Grizzlys, c’est encore pire. Nous suivions uniquement une mère avec ses deux petits. Les récits étaient ainsi trop simples et n’avaient pas l’air de montrer tout ce qu’il y avait à dire sur ces animaux. Au Royaume des Singes, en choisissant de montrer le système social des macaques à toque, permet de montrer toute une communauté se confrontant tardivement dans le film à une autre communauté. L’histoire est ainsi bien plus intéressante et riche. Encore mieux quand la protagoniste du film qu’est Maya est extrêmement attachante. Reniée, dénigrée, considérée comme inférieure, notre héroïne se bat jusqu’au bout pour survivre et ses moments les plus mémorables seront sans aucun doute ceux où elle se retrouve avec son petit Kip sur le dos. Très difficile alors de ne rien ressentir devant ces petites bouilles adorables à souhait. C’est l’avantage de suivre des singes, c’est que le spectateur peut plus facilement s’identifier à eux tant leurs comportements paraissent humains et tant leurs expressions sont variées. Le parcours de Maya pour que son fils mérite une autre vie que celle qu’elle a connu ainsi que toutes ses générations avant elle est bouleversant et marche du feu de Dieu. Autre nouveauté de ce Disneynature, c’est l’incrustation des humains dans l’histoire qui, si elle peut déranger par le fait que ces derniers soient étrangement calmes par rapport à l’activité des singes, apporte un certain vent de fraîcheur dans les films du label. Et cela est réellement utile pour la suite des événements et l’évolution des singes jusqu’à leur retour dans leur Royaume. Royaume d’ailleurs composé d’éléphants, d’ours, de varans, de biches et de toutes sortes d’animaux rendant cet espace encore plus vivant et charmant. Sans compter le temple perdu au milieu de la jungle renforçant l’aspect « colonisateur » des macaques à toque. Le Sri Lanka était l’endroit parfait pour raconter cette histoire. La qualité d’image est évidemment irréprochable. Les couleurs sont magnifiques, les décors le sont encore plus, les plans sont nickel, un excellent boulot qui fait honneur au nom de la boîte aux grandes oreilles. La musique a été cette fois composée par Harry Gregson-Williams. Si certains passages affichent des mélodies assez anecdotiques, d’autres scènes permettent au compositeur d’apporter une véritable atmosphère à l’ensemble. Du niveau de ce qui s’est fait dans les précédents Disneynature.
Si on doit cependant noter un gros défaut dans ce documentaire. C’est quelque chose qui, ironiquement, ne s’est toujours pas amélioré au fil des films. On pourrait même dire que ça a régressé : La narration.
À de trop nombreuses reprises, la narratrice (doublée par Tina Fey en VO et par Claire Keim en VF) s’adresse directement au spectateur ou se met à interpréter les gestes et expressions des singes. Ce qui dénature grandement le récit. Certes, les Disneynature sont autant réservés aux enfants qu’aux adultes mais il est dommage d’avoir recours à des dialogues aussi enfantins. L’utilisation des chansons modernes n’est pas non plus un gros point fort des films du label. La plupart du temps, elles n’ont pas leur place. Et ça ne change pas beaucoup dans Au Royaume des Singes où les 5 tubes font souvent tâche (bien qu’un peu moins j’ai trouvé que dans un film comme Chimpanzés). Mais malgré ces quelques imperfections, j’ai vraiment été emporté par ce nouveau Disneynature. Objectivement, il reste inférieur à Pollen mais à ma grande surprise, je le place un peu au-dessus dans mon petit cœur. Il faut croire que je facilement ému par pas grand-chose, allez savoir. En conclusion, Au Royaume des Singes confirme tout le bien que je pense de Disneynature. Je suis toujours aussi convaincu quant à la qualité de ces productions, certes imparfaites, mais réalisées avec beaucoup de sincérité. Rien que pour ça, impatient de découvrir le prochain film du label prévu pour le Jour de la Terre en Avril 2016 : Born in China. En attendant, je vous conseille vivement d’aller faire un tour avec ces macaques à toque pendant 1h20 sous le soleil du Sri Lanka. Comme le disait si bien Walt Disney lui-même: "La nature nous raconte les meilleures histoires". La preuve n'est pas loin avec Au Royaume des Singes.