Terrifiant, saisissant, poignant, émouvant. « Room » vaut par son sujet et par l’interprétation sensationnelle de ses deux personnages : Brie Larson et John Tremblay soit respectivement Joy ou Ma et Jack. Le film est divisé en deux parties ; la première se déroule dans une pièce exiguë qui possède un minimum de confort : WC, baignoire, coin cuisine, lit, placards dont un qui sert de refuge à Jack quand l’horrible Nick vient la nuit, et une télé. La télé est la boîte magique où un monde irréel défile sous les yeux de Jack, âgé de cinq ans. Il sait que les arbres existent, les chats, les chiens mais pas dans le monde réel c’est-à-dire dans son monde. Seul un vélux, petite lucarne comme l’est la télévision, lui apporte un coin de réalité hors de sa « Room » : tantôt un ciel bleu, tantôt un ciel nuageux. Jack est un petit bonhomme aux cheveux longs, intelligent qui salue l’évier, la cuisinière, la chaise une et la chaise deux etc… On apprend assez rapidement que cette « Room » n’est rien d’autre qu’un endroit sinistre où Jack et sa mère sont séquestrés.
Jack est le fruit d’un viol, le ravisseur de Joy.
Voilà sept ans qu’elle éduque, élève son fils dans cette « Room ». Jack est sa béquille sur laquelle elle s’appuie et sans laquelle elle n’aurait peut-être pas tenu le coup. Jack vient de fêter ses cinq ans et sa mère le juge assez intelligent d’une part pour lui avouer que de l’autre côté de ces murs une vraie vie existe comme ce qu’il voit à la télé et d’autre part pour parvenir à s’enfuir.
La scène de l’évasion est poignante avec le petit Jack enroulé dans un tapis de sol, simulant sa mort.
Poignant cette mère qui jette tous ses espoirs sur son petit garçonnet, lequel pour la première fois sort de sa « Room ».
Poignant cette séparation, ce cordon ombilical sectionné douloureusement où la mère, en pleurs, est étouffée entre le doute, l’espoir, l’effroi et la culpabilité. Poignant de voir Jack découvrir, alors qu’il est allongé dans le Pick-Up et sur le tapis déroulé, un ciel immense zébré de fils électriques, téléphoniques, un ciel en mouvement, rien de comparable à ce qu’il lui était donné de voir depuis cinq ans de son vélux. Poignant ses appels au secours après avoir bondi du véhicule. Poignant cette attente dans la voiture de police et les retrouvailles déchirantes avec sa maman.
La deuxième partie, c’est la reconstruction, c’est l’apprentissage de la liberté ou le réapprentissage pour Joy ; c’est la découverte du monde réel pour Jack, il doit complètement changer son logiciel lequel a été formaté pendant sa captivité par sa mère. Il doit se faire une raison : le monde dans lequel sa mère l’a précipité est comparable aux images de la télé qu’il croyait irréelles. Une croyance doit en chasser une autre. Emouvant de constater contre toute attente que Jack se reconstruit plus vite que sa maman, dans la cellule familiale, celle de sa grand-mère et de son compagnon.
Poignant d’entendre Joy se déclarer coupable après une interview pour n’avoir pas su ou pu libérer Jack plus tôt. Le sentiment d’avoir été une mauvaise mère. Comment peut-elle se sentir coupable, comment la journaliste peut-elle ainsi le sous-entendre ? Monstrueux !
Joy n’a rien à se reprocher. Bien au contraire. Garder le fruit de son viol, l’aimer et l’éduquer en s’adaptant à ses conditions de captivité est une preuve de courage et d’amour. Et cela s’est traduit par le comportement de Jack avec sa grand-mère. Cet enfant aurait pu être détraqué, aurait pu avoir une énergie destructrice et pour lui et pour sa mère et son environnement. Au lieu de cela, Jack est légitimement renfermé les premiers jours, puis s’ouvre petit à petit sans la moindre violence. Ses regards, ses silences, ses économies de paroles, son comportement d’ensemble sont le résultat d’une éducation réussie et exceptionnelle d’une mère en captivité. Elle aurait pu repousser cet enfant, elle aurait pu l’abandonner, elle aurait pu nourrir de la haine envers lui. Rien de tout cela n’a été. « Room » ne sombre pas dans le pathos, pas de violons sanglotants, c’est un film tout en retenu, maîtrisant l’excès et la sobriété. Terrifiant, saisissant, poignant, émouvant, attachant. A voir en V.O pour l’interprétation remarquable de John Tremblay.