Adaptation du best-seller éponyme, lui-même librement inspiré des affaires Elizabeth Fritzl et Natacha Kampusch, Room de l’irlandais Lenny Abrahamson est devenu très vite l’un des films évènement de ce début d’année. Sans surprise donc, le film a été sélectionné dans pas mal de cérémonies prestigieuses, récoltant au passage quelques prix dont ceux de la meilleure actrice pour Brie Larsson qui a absolument tout gagné lors de cette saison de prix.
Si l’actrice est remarquable dans ce rôle de jeune mère courageuse, la véritable révélation du film s’avère être un jeune canadien de 9 ans à la voix fluette du nom de Jacob Tremblay. Le garçon impressionne par sa justesse de jeu et sa maturité, volant presque la vedette à sa partenaire.
Un duo d’acteurs bouleversant pour une histoire qui l’est tout autant. Si la bande annonce laissait entrevoir un huis-clos ficelé à la manière d’un thriller psychologique, Abrahamson bien aidé par le roman, décide d’opter pour le drame psychologique et d’arquer son film du point de vue d’un œil innocent, celui de l’enfant.
Sans éviter certains artifices immuables, telle que la partition de Stephen Rennicks teintée d’une mélancolie contagieuse, efficace mais superfétatoire, le réalisateur accouche d’un film plein de justesse. Arrivant à négocier chaque virage dramatique dans sa narration, même un troisième acte qui aurait bien pu basculer dans un pataud amer, l’irlandais exploite à merveille les différents enjeux du scénario d’Emma Donaghue (qui n’est autre que la romancière) à travers une mise en image aux intentions évidentes mais fortes de sens.
Que ce soit les jeux de point, les incères, l’utilisation de la vue subjective ou encore la surexposition des images, la mise en scène de Room est irréprochable tant elle parvient à transmettre de multiples thématiques et messages implicitement glissés. Là est d’ailleurs, sûrement sa plus grande force, car Room n’est jamais aussi fort que quand il suggère et laisse le spectateur imaginer, ressentir et se confronter à un combat qui le dépasse complètement. Comme dans la vie, se sont souvent les actes qui comptent plus que les mots et le film l’a bien compris. Contrairement au cinéma « mainstream » où le récit devient discours et non l’inverse, Room, lui, excelle dans sa manière à transcrire les relations humaines et émotionnelles, se rapprochant plus d’un cinéma néo-réaliste, à hauteur d’homme.
A hauteur d’homme, et c’est bien le point de vue de l’enfant qu’épouse la caméra, brillante idée germée de l’esprit de Donnaghue qui subit une transition à l’écran totalement réussie. Le petit Jack, cinq ans, enfant qui s’avère être
le fruit des viols répétés d’Old Nick
, devient l’égal d’une bouée de sauvetage, celle à laquelle le spectateur s’accroche pour ne pas sombrer dans l’horreur. C’est en ça que Room devient avant tout un formidable portrait sur l’enfance et ses dilemmes. Cette manière assez naïve et candide qu’ont les enfants à observer le monde qui les entourent fonctionne parfaitement et sert à rendre le récit à la fois subtil et lucide. Si la vérité sort de la bouche des enfants, Room capte cette dernière à travers les yeux de Jack.
Bien que le film traite de thématiques telles que les faits de kidnapping, l’horreur de la séquestration ou encore le viol, Abrahamson et Donaghue n’en font que des prétextes pour pouvoir parler de thèmes universels, plus présents dans une seconde partie qui, entre-autre, révèle beaucoup sur la faculté qui différencie les adultes des enfants à s’insérer dans la société.
Un film intense, plein d’émotions et d’une extrême richesse, exploitant son potentiel à merveille, fort d’une scène d’évasion absolument ébouriffante et techniquement impeccable.
Un grand moment de cinéma pour d’ors et déjà l’un des grands films de cette année.