Lenny Abrahamson, réalisateur irlandais qui semble commencer à ce faire une jolie réputation ces dernières années, notamment avec ses deux derniers films, le bon mais assez décevant Frank et Room qui a impressionné pas mal de cérémonies prestigieuses surtout grâce à la prestation de Brie Larson, son actrice principale. Abrahamson s'est plutôt illustré dans les films indépendants, avec la particularité de s'intéresser à des personnages, des situations hors normes. Comme si les histoires qu'il racontait se passait sur Terre mais néanmoins dans un univers à part, très éloigné de celui qu'on se conçoit chaque jours. Et c'est ce qui est encore une fois au cœur de son récit.
Scénarisé par Emma Donoghue qui adapte ici son propre roman, le film soulève des interrogations passionnantes qui partent d'une situation peu ordinaire pour trouver un écho universelle parlant à tout à chacun. Prenant intelligemment le point de vue du petit garçon pour nous guider à travers le récit, mais si on eut regretter que les enjeux moraux de la mère soit ainsi trop sacrifiés, ce parti pris permet de jouer avec habilité avec la maturité du spectateur qui se confronte directement avec la naïveté de l'enfance permettant au film de faire passer des sujets grave à travers nous tout en finesse. Le viol, la séquestration, le kidnapping, et etc sont tous des sujets esquissés sans jamais être vraiment mentionnés pour préserver l'innocence du petit garçon mais qui pour nous en tant qu'adultes nous permet de voir toute l'horreur de la situation sans que le film tombe dans la pathos et qu'il garde une sensibilité constante ainsi qu'une subtilité admirable sur ces sujets. Après il est vrai que ce parti pris évite aussi de s'attaquer à des sujets qui aurait pu être pertinents, faisant un peu cache-misère parfois, évacuant des personnages du récit de façon anecdotique pour ne pas se confronter à certains points comme avec le grand père de Jack. Néanmoins même si ce parti pris limite certains questionnements, on reste admiratif dans ça manière d'être superbement tenu.
La première partie de l'intrigue se concentre exclusivement sur la captivité de la mère et de son fils. On découvre le monde imaginaire qu'elle a du inventer pour préserver son enfant de la réalité et de la violence du monde. Le quotidien est abominable mais une certaine grâce en émane dans le rapport entre les deux protagonistes, ils deviennent l'âme de cette endroit et la "Room" symbolise plus le lien qui les unit dans toute sa complexité et ses contradictions poussant la réflexion sur l'importance de garder son âme d'enfant mais aussi sur le devoir de briser les illusions et d'assumer de grandir. Il est assez passionnant de voir la manière dont l'enfant perçoit sa vie dans la "Room" et dont nous concevons l'horreur de ce qu'ils sont en train de vivre. Ce qui est pour lui sa maison est avant tout sa prison et ses repères ne sont que factices. Toute cette partie aboutie à un climax incroyable d'intensité qui nous fait retenir notre souffle et qui cumule à la fois en une scène de suspense insoutenable mais aussi à une séquence d'émotions poignante où les repères de l'enfant ainsi que tout son monde vole en éclats. Après ça, la deuxième partie du récit se fera bien plus sage, plus convenue dans son écriture et plus bancal dans l'utilisation de certains personnages et l'exposition de certaines pistes de réflexions. S'intéressant à l'après, comment reconstruire sa vie suite à un événement traumatisant, se faire de nouveaux repères, faire face à la réalité, la vérité et aussi la culpabilité. Donner un rôle central à la mère aurait été ici plus judicieux même si on parvient à comprendre les troubles qui l'habite, ils sont bien trop souvent éclipsés. Surtout que le parcours de son fils est à ce moment plus classique et attendu, et continuer sur son point de vue sert avant tous à jouer assez maladroitement avec la tension dramatique. Malgré tout cette deuxième partie arrive à garder la justesse et la sensibilité ambiante, arrivant à transmettre son message de manière claire, efficace et touchante prouvant toute l'intelligence et le savoir-faire dans l'écriture. Au final, le récit arrive à transmettre une quantité de questionnements et d'émotions complexes avec beaucoup de simplicité, de retenue et d'émotion faisant toute la beauté de l'oeuvre.
Le casting est absolument parfait même si on regrette néanmoins la sous-exploitation de William H. Macy alors qu'il aurait pu apporter des choses intéressantes. Le tout est surtout habité par les prestations exceptionnelles de Brie Larson et Jacob Tremblay. Elle n'a clairement pas volé son Oscar et livre une performance intense et poignante avec une justesse absolue étant totalement habitée par son personnage. Elle est assurément une grande actrice, vouée à briller sur grand écran mais alors que l'on parle beaucoup d'elle, la star ici est avant tout le jeune Jacob Tremblay. Il porte totalement le film et il le fait de manière grandiose. Rarement on voit de jeunes acteur transmettre autant d'émotions aussi naturellement, il ne joue pas son personnage, il l'incarne et autant de maîtrise est admirable. On mentionnera aussi Joan Allen et Tom McCamus, tout deux excellent dans leurs rôles.
La réalisation est techniquement très propre, la photographie est peut être un peu générique, tout ayant un traitement des lumières et du cadrage très clinique mais ça fonctionne plutôt bien. Les musiques sont discrètes et le montage très linéaire accentuant l'aspect visuellement classique de l'oeuvre. Pourtant la mise en scène de Lenny Abrahamson est assez ingénieuse dans sa première partie. Arrivant à créer une ambiance particulière autour de cette "Room", il renouvelle sans cesse ses effets pour à la fois solidifier la claustrophobie lié au lieu mais aussi pour en faire une zone d'éveil et d'émerveillement à travers les yeux de Jack. Lors de la séquence pivot, il parvient à maintenir une tension constante jouant sur les effets de flou et les montées d'adrénaline anxiogènes. Malheureusement sa mise en scène devient un peu plus plate en deuxième partie, devenant un brin trop classique et ne parvenant pas à retranscrire la grandeur de ce "nouveau monde" pour Jack ni même la puissance de son éveil. Il tombe même dans certains pièges de ce genre de drame intimiste notamment avec une ou deux séquences où la mise en scène est un peu trop appuyée.
En conclusion Room est un excellent film. Poignant, sensible et juste, il compose son histoire avec retenue pour créer un tout simple et beau parvenant à parler avec subtilité de choses complexes et horribles. Même si le parti pris limite parfois les réflexions du film, certains points restant trop en surface, il fait sens étant intelligemment pensé et admirablement tenu. Dommage néanmoins que la mise en scène soit un peu trop mineure en deuxième partie de récit alors qu'elle avait été impeccable de la première moitié mais c'est contrebalancé par l'immense talent des acteurs, Brie Larson et Jacob Tremblay en tête. C'est une oeuvre d'où on en ressort chamboulé et ému, qui semble profondément simple sans être simpliste et qui se montre indéniablement efficace. Une grande réussite qui est faite pour marquer durablement.