"La Belle jeunesse" film espagnol de Jaime Rosales, a pour le moins un style identitaire bien personnel dont la signature de ce jeune réalisateur restera pour moi très marquée...
Car par la manière de filmer en gros plan les visages, tout en laissant hors champ ce que tout réalisateur aurait montré, comme l'interlocuteur du moment ou la fin d'une discussion, déroute et à la fois renforce la force du propos...
Pour nous montrer la désespérance de ce couple, ceci sans aucun misérabilisme, Jaime Rosales filme le quotidien au plus près dans tout ce qu'il a de banal, voire de trivial, sans doute pour mieux nous plonger dans cette vie où tout se répète sans qu'aucun mieux être ou espoir ne se profile à l'horizon...
Si bien que sans entrer dans des détails inutiles et à force d'ellipses bienvenues, la dure réalité que connaissent Carlos et Natalia nous apparaît, froide et terrible comme si on entrait dans leur quotidien avec eux sans pour autant tout nous montrer ou nous révéler, comme si le réalisateur leur réservait une part d'intimité afin de leur garantir un certain respect, tout en préservant le spectateur lui-même !
Les deux acteurs jouent d'ailleurs sur un registre très sobre, avec beaucoup de retenue et d'humilité.
L'absence de musique tout au long du film, au début étonnante, devient totalement évidente et justifiée comme pour mieux isoler et ainsi examiner cette vie faite de faux espoirs, de désillusions qui s'enchaînent en marquant nettement les moments silencieux et l'attente qui en découle !
Seuls quelques montages faits de dessins naïfs, mélangés à des SMS comprenant photos et vidéos de téléphones portables viennent illustrer et rythmer le déroulement linéaire de la vie de ce jeune couple, comme si tout cela n'était que leur seule distraction et évasion possibles.
Ce vide existentiel, nous saute donc d'autant plus aux yeux par la façon dont ces plans fixes sur la ville, la circulation automobile, ces halls et escaliers d'immeuble, apparaissent régulièrement dans un vécu pour le moins monotone et sans projet...
Ces passages apparemment sans intérêt, ne font qu'accroître le malaise et l'inquiétude de ce couple dont le nouveau-né amène d'ailleurs un sentiment d'urgence très fort.
Cette étude au scalpel pleine de délicatesse et à la fois de rudesse, est étonnamment juste et dérangeante telle une peinture sans concession de la jeunesse espagnole réduite à demeurer chez les parents faute de véritable avenir...
La fin, très sombre alors qu'on attendait un soupçon de légèreté noircit encore ce tableau édifiant et inquiétant !
Un cinéma presque documentaire, incisif et cru, à découvrir...