Dostoïevskien!! Que ce film ait été réalisé par un autre qu'un Russe: impensable. Et que le film d'Andreï Zviaguintsev ait été présenté à Cannes montre que la corruption en Russie peut être regardée en face.... Ca aurait fait une belle palme classique d'ailleurs, comme du temps où on privilégiait les films forts aux films mode.
Cette fenêtre sur la vie russe. Terrible. Ca se passe au Nord, au bord de la mer de Barents, dans un paysage de collines pelées et désolées, de fjords sauvages, un paysage d'une tristesse absolue, et pourtant, il s'en serait fallu d'un rien -déjà, faire sauter ces immeubles lépreux, plantés n'importe comment; débarrasser la côte de ces carcasses de bateaux pourrissantes..... pour que le même paysage soit splendide.....Il y a même un squelette de baleine, depuis quand?
Kolia (Alexeï Serebriakov) est mécanicien et vit dans une maison qu'il a construite lui même avec sa femme, plus jeune que lui, Lilia (Elena Liadova) et son fils Pacha (Alexeï Rozine) qui n'aime guère sa belle mère; mais voilà, l'emplacement de sa maison est convoité par le potentat local, Vadim Cheleviat (Roman Madianov), un gros porc ivrogne qui ne se déplace qu'avec ses gardes du corps, violences et intimidations en tous genre. Tout le monde est aux ordres: le juge local lui donne raison et accorde à Kolia une indemnisation dérisoire, le quart de la valeur de son bien. Kolia fait alors appel à un vieil ami de régiment, Dmitri (Vladimir Vdovitchankov), un avocat, et de Moscou s'il vous plait. C'est le début du film, la toile est prête -et dès le début, vous sentez que cela ne se peut terminer qu'en drame. Le drame viendra -pas tout à fait de la façon dont on l'attend, ce qui est d'ailleurs une des qualités du film, qu'on craignait trop prévisible (il a eu à Cannes un prix du scénario mérité, même s'il méritait bien mieux).
Ivrognes: ils le sont tous, tout aussi bien Kolia que ses amis, les deux flics locaux (imparable: le responsable de la police de la route ne risque pas de se faire interpeller en état d'ivresse). Vodka, deux bouteilles par jour, on boit pour se réchauffer, se mettre gai, on boit pour oublier quand on a le cafard. Il y a des moments très drôles aussi. Le pique nique /partie de tir avec les deux flics et leurs familles. Comme cibles, Roma a emmené les portraits officiels de tous ceux qui, de Lénine à Gorbatchev, ont gouverné la Russie. Pour les derniers, on n'a pas assez de recul pour juger, dit-il.... Film magistral, tragique, dont les images vous restent dans la tête.
A voir absolument.