Malgré de nombreuses longueurs (le film aurait gagné en intensité à être raccourci), Léviathan est un très bon aperçu de la Russie d'aujourd'hui, noyée dans la vodka et la corruption. Sur le plan sociologique et le style (l'histoire banale d'un type ordinaire pris dans les tracas du pays), ça fait un peu penser aux films du réalisateur iranien Asghar Farhadi ("Une séparation"). L'ambiance réussit à être pesante sans être lourde. On ressort bien décidé à ne jamais aller vivre au bord de la mer noire et à mettre ses bouteilles de vodka à la poubelle !
Le récit se déroule de nos jours, dans la Russie du Nord, aux bords de la mer de Barents.
Le film tient son titre du monstre biblique évoqué par le Livre de Job, peut-être aussi du "Léviathan" du philosophe Anglais Hobbes, dans lequel le Léviathan symbolise l’Etat. Les ossements de baleine et l’apparition de ce mammifère marin dans un plan peuvent en être le symbole.
On en ressort imprégné par l’immensité , l’isolement et l’aspect sauvage de cette partie du monde. Pourtant des histoires intenses tant individuelles que politiques s’y trament inexorablement.
En toile de fond d’abord, et finalement comme thème dominant du film, le pouvoir,(politique et religieux) : un maire cherche à faire exproprier une famille dans un but assez flou, par tous les moyens. D’abord légalement, entendu que le procureur est lié à lui par des affaires passées.
Ensuite la tragédie d’un couple entouré de peu d’amis et d’un adolescent, dans un univers austère, où coulent des flots de Vodka. L’histoire de ce couple crève l’écran dans toute la partie centrale du film.
Les événements principaux sont évoqués de façon elliptique. Le spectateur est amené à réfléchir pour reconstituer les faits. Les acteurs ont un jeu exceptionnel. Rien n’est enrobé, ni ne semble être joué, c’est l’humain à l’état brut et rude, avec pourtant aussi des moments de bonté et l’humanité touchante. Parfois de l’humour assez décapant.
Je recommande vivement le film lequel est une véritable claque, tant esthétique, que scénaristique et dramatique.
Il donne une image de la Russie actuelle (point discutable à mon avis), où les dirigeants et leurs méthodes n’ont finalement pas changé. Les pouvoirs locaux sont peut-être davantage puissants, semblables à des mafias. Une composante du pouvoir cependant s’ajoute à l’ensemble, le pouvoir religieux. Les individus , eux, se trouvent dans une grande désespérance.
Un film philosophique d'une incommensurable beauté. Andrey Zvyagintsev touche au sublime avec "Léviathan". Aleksey Serebryakov est un comédien magnifique et on oubliera jamais sa prestation. C'est un film intégralement réussi : il n'y a pas un seul plan loupé, pas une séquence ou un mot ou un geste de trop. Une oeuvre d'art exceptionnelle, totalement aboutie, hors-normes, qui défie le temps.
Franchement bien écrit et franchement bien réalisé Leviathan est sur le plan cinématographique d’une propreté incroyable. L’extrême froideur du long-métrage pourra rebuter, bien qu’elle soit, nécessaire pour l’accentuation de la condition et de l’impact du film. Sans tomber dans le cliché, nous sommes spectateurs d’une Russie qui se réchauffe du froid et de l’ennui par l’alcool et la haine. Tout autre pays aurait pu bien sur être mis en scène de la même façon. Un pays et ses traditions qui servent simplement de décor sur la forme, alors que dans le fond c’est une réelle analyse de l’humanité que Zviaguinstev nous livre. Le film rappel d’ailleurs pour de multiples raisons esthétiques comme scénaristique le grand long-métrage de Bruno Dumont L’Humanité (2002). Glacial comme le temps en Russie, Léviathan réussi à être profondément proche de l’humain dans nos plus sombre et inavouable cotés. Leviathan n’est pas forcément jouissif mais vraiment très réussi. Martin, Le Frisson de la Pellicule.
Léviathan est l’un des films les plus remarquables de ce festival de Cannes 2014. Réalisé par Andrey Zviaguintsev à qui l’on doit une première œuvre tout aussi marquante Le Retour (2003) puis deux autres films récompensés à Cannes, Le Bannissement (2007, prix d’interprétation masculine) et Elena (2011, prix spécial du Jury un certain regard), nous revient avec Léviathan, prix du scénario, qui a séduit à l’unanimité l’équipe du cinéma du ghetto.
Kolia (Aleksei Serebryakov) habite le nord de la Russie, dans un village au bord de la mer de Barents. Vadim Sergeyich (Roman Madianov), maire puissant, souhaite racheter la maison de Kolia dans laquelle habite aussi sa femme Lylia (Elena Lyadova) et son fils Roma (Sergueï Pokhodaev). Mais Kolia ne veut céder son bien, ce dernier appartenant à sa famille depuis des générations, véritable source d’ataraxie pour lui et ses proches.
Léviathan s’ouvre par des plans d’eaux sur lesquels serpente la musique envoûtante à structure répétitive de Philip Glass. C’est apaisant, d’une beauté évidente et le silence qui s’en suit, enveloppant les carcasses des bateaux échoués, traduit un commencement ou plutôt un recommencement. Le Léviathan, symbole de l’anéantissement du monde et de l’humanité se matérialise par cycle, d’où l’utilisation d’une musique uniquement en début et fin de film ainsi que les plans de natures mortes.
Prix du scénario à Cannes, Léviathan est précédé d'une excellent réputation or le film, bien qu'intéressant sur bien des points, me semble un peu surévalué. Le réalisateur du retour, film qui à l'époque ne m'avait pas du tout accroché, évoque une Russie corrompue ou seule marche la loi du plus fort jusqu'à un final tragique et désespéré. Les références à Hobbes et à la bible appuyées, trop à mon goût, m'ont laissé un peu froid tout comme la longue mise en place de l'intrigue et des personnages. Les quarante cinq premières minutes du film sont longues et verbeuses mais peu à peu quelque chose s'installe, un climat austère saupoudré de traits d'humour bienvenus. Le film est souvent drôle et réussit à mélanger les registres sans lourdeur. La beauté des images et des paysages, la psychologie fouillée de personnages plus complexes qu'ils n'y paraissent finissent par emporter le morceau. Léviathan est une réflexion sur la société russe mais aussi un chant funèbre empli de noirceur et de mélancolie. Peut-être un peu surfait et pas dénué de défauts mais qui mérité d'être découvert.
Léviathan – ON Y VA Hobbs fut le premier à utiliser la métaphore du Léviathan pour illustrer la nuisance d’un état trop puissant et la corruption inhérente à toute situation où le politique devient hégémonique. Quelques siècles plus tard, rien n’a changé. Aux confins de la Sibérie l’absence de limite à l’expansion du pouvoir administratif permet aux notables corrompus d’une petite bourgade de promettre la ruine et à la destruction à une simple famille d’artisans. Cette lutte, sans effusion de sang, à coup d’oukases et de verdicts truqués est toute aussi létale qu’une guerre des gangs entre des membres de la cosa nostra. Ce film est un appel à la résistance, à la révolution contre ses potentats locaux que plus rien ne limite ou ne contrôle. Comme dans jeu d’échec machiavélique chaque personnage semble disposer d’atouts pour faire tomber l’autre. L’amitié, la volonté, l’esprit de combat et l’espoir d’un homme acculé face à la collusion du maire, du curé et des juges. Pourtant, très vite ce combat devient inégale tant les rouages de l’administration sont impitoyables. Andreï Zviaguintsev filme avec intensité et talent, les visages, les confrontations et les larges horizons de cette baie du bout du monde dont l’immensité étouffe les cris des victimes. A voir Absolument, ce film méritait bien plus que le prix du meilleur scénario au dernier festival de cannes.
À force de nous sortir des films de cette qualité Zvianguintsev va devenir un grand nom du cinéma mondial ! Voilà en effet un film qui dépeint la société russe d'aujourd'hui avec un réalisme et un acuité étonnants. Les petits boulots pour survivre, l'écart entre Moscou la capitale et le reste du pays, la corruption des politiques et de la justice locales, l’acquiescement tacite des autorités religieuses, l'inefficacité patente de la police, la résignation et le fatalisme propres à l'âme russe, et bien sûr la vodka qui semble la solution à tous les problèmes... Bref un film qui est à la fois une peinture sociale acerbe, un drame amoureux, et une dénonciation de la corruption des élites et de l’alcoolisme du 'petit peuple'. En d'autres temps ce film aurait été censuré ! Ajoutez à tout cela une photographie superbe et voilà un film à voir absolument.
Il faut passer les premiers scènes où le sujet est exposé sous son aspect politique et un peu rébarbatif pour arriver par la suite au drame humain de l'écrasement et de l'injustice face au pouvoir d'une puissance sans limite. C'est vraiment fort et cette froideur des décors rajoute encore à la faiblesse des moyens: la défense est démunie telle la famille brisée par les enjeux d'une bureaucratie corrompue et ces dernières images sur la désolation des squelettes montrant leur déchéance est impressionnante.
après le retour , le bannissement , et Elena le réalisateur nous entraine une fois de plus dans sa Russie profonde où les petites gens souvent sans le sou alcooliques et tristes vivent une existence des plus misérables. ici dans Léviathan c'est expropriation corruption adultère qui donnent au film toute son importance. comme dans tous ses films sans exception la mort est présente une nouvelle fois. les acteurs sont magistraux et l'oeuvre est puissante.
Il y a quelque chose de terrifiant dans ce Leviathan, il n'y a pas la place pour respirer, à peine pour espérer. Et pourtant on reste un peu étranger à cette oeuvre puissante mais hermétique. Il y a un désespoir profond au mal russe, il n'y a aucune échappatoire mais on reste un peu extérieur à ce déluge apocalyptique
Film sombre mais très réussi. Une famille recomposée vivant dans le grand nord russe doit affronter un élu local dénué de tout scrupule qui veut raser leur maison pour y construire un complexe immobilier. Les interprétations sont excellentes, de même que la mise en scène, très maitrisée. Le réalisateur dénonce à travers ce film les dysfonctionnements de la société russe, à savoir l'hypocrisie de l'église orthodoxe, et bien sûr le népotisme et le clientélisme qui règnent dans ce pays. Car s'il peut nous arriver de pester contre la démocratie et ses imperfections, le réalisateur rappelle la dure réalité d'un régime autoritaire où un chef charismatique s'appuie pour gouverner sur des potentats locaux tout-puissants. L’État, loin d'être au service de la population, dépouille au contraire les gens de leurs biens et de leurs droits, à travers un appareil judiciaire totalement corrompu. Un film poignant.