Plus ou moins manqué à sa sortie, sa diffusion télévisuelle était une belle occasion de voir l'un des Jim Jarmusch les plus appréciés de ces dernières années. À raison, car c'était vraiment pas mal. Bon, évidemment, on reste chez le dandy aux éternels cheveux blancs, donc ne pas s'attendre à un rythme trépidant, mais en définitive, cela s'inscrit pleinement dans la logique du film : le quotidien sur une semaine d'un chauffeur de bus poète à ses heures perdues (ou gagnées, d'ailleurs!), où il ne se passe rien de vraiment extraordinaire, mais où les différentes rencontres, les échanges, notamment ceux avec son épouse, forment une harmonie touchante, séduisante, renforcée par ces balades en bus à travers la ville où l'on prend plaisir à écouter les conversations des uns et des autres pendant quelques minutes. Le trait n'est ainsi jamais lourd ou caricatural, prenant constamment en affection ses personnages (parmi lesquels le chien Marvin trouve pleinement sa place, la lucidité de ses « interventions » lorsque les discussions de ses maîtres deviennent trop ennuyeuses étant à saluer) rarement épargnés par les galères diverses, tous joliment interprétés : à ce titre, il fallait bien la beauté, le charme et le talent de Golshifteh Farahani pour rendre aussi séduisante cette héroïne légèrement perchée (euphémisme) et aux goûts pour le moins étranges dans tous les domaines. Quant à Adam Driver, il se montre toujours aussi « expressif dans son inexpressivité », composant un protagoniste résolument attachant et d'une grande délicatesse. On sent, quand même, le poids des minutes dans le dernier quart, notamment à travers cette (trop) longue
conversation avec le poète japonais
, si bien que j'avais une certaine tendance à décrocher sur la fin. Mais bon, excepté ce léger ennui final, il serait dommage de passer à côté de cet élégant portrait, donnant l'étrange impression que Jarmusch aurait pu raconter presque n'importe quelle semaine de la vie de ce couple que cela n'aurait pas changé grand-chose au récit, ce qui, dans la logique de l'œuvre, s'avère bien plus une force qu'une faiblesse. L'un des meilleurs films de son auteur.