Il ressort d'Alliés une grande maîtrise, tant visuelle que narrative; partant d'un postulat simple, une histoire d'amour qui tourne mal sur fond de drame historique, il s'enfonce dans un jeu de masques tortueux, pour finalement retomber comme une belle histoire de rédemption, poignante et très bien interprétée par un duo étrangement complémentaire, dont une Marion Cotillard certes habituelle, mais qui tourne déjà mieux qu'avec Nolan.
Tour à tour élégante et femme fatale, on ne sait jamais vraiment ce qu'elle est, ce qu'elle veut, son but dans le film; un personnage ambigüe qui lui colle ainsi parfaitement, Cotillard n'ayant cessé, depuis les débuts de sa carrière en Amérique (sauf dans l'excellent Macbeth), de jouer les femmes indécises entre le bien et le mal, et dont le seul sourire démontre toute l'étendue de son vice. Certes moins poussés ici, on retrouve quelques uns des comportements qu'elle pouvait avoir dans The Dark Knight Rises ou Assassin's Creed, en lui permettant, par le ton plus maîtrisé d'Alliés, d'afficher une performance beaucoup plus en nuance de ce qu'elle pouvait faire dans les films cités.
Brad Pitt, quand à lui, se dévoile vieux et fatigué, et dont le drôle d'accent québécois prêtera, au départ, à sourire. Habituel à son talent reconnu, il avance sans peine et sans fournir plus d'efforts que le minimum syndical, et nous ressort un peu sa performance dramatique de Seven sur la conclusion, sans atteindre, bien sûr, les sommets d'émotion du film de Fincher. Beau gosse ténébreux, soldat classieux, il apporte tout de même un certain intérêt au film; c'est surtout par son physique qu'il convient, grimé et entretenu pour le rendre le plus rétro possible, et le plus crédible aussi. Il a ce ton froid tout du long, qu'il entretient jusqu'à cette fameuse scène de résolution dramatique, où petite et grande histoire se mêlent habilement pour faire ressortir un maximum d'émotions, et nous proposer des thématiques fort intéressantes.
L'amour voué à la mort, le sacrifice par péché de trop aimer les mauvaises personnes, rien de beau ne peut perdurer en temps de guerre si ce n'est la promesse d'une lignée perpétuée, seul rayon de soleil dans ce ciel anglais sans grand espoir d'où ne s'échappent que des pluie de balles ou des rafales de pluie, à nous balancer des plans surréalistes d'accouchements sous un bombardement, où l'homme nait en guerre, où l'individu se prédispose au meurtre, à la violence puis la mort guerrière par son simple lieu de naissance, confrontant la beauté de la naissance avec le désordre poussiéreux des bombardements.
Ou de cette première scène d'amour dans laquelle, loin des draps de leur lit, Pitt et Cotillard fusionnent enfin par des regards, des sourires tandis qu'ils fusillent toute une réception d'allemands, que le sang gicle façon Tarantino quand il est calme, et que l'on remarque dès lors un travail très réaliste sur le sound design, notamment les bruitages d'armes à feu. Il y a dans Alliés cette drôle de rencontre entre beauté et laideur, entre le bien et le mal de chaque vie, entre, plus simplement, la vie et la mort, cela jusqu'à ce que la mort donne la vie.
Une excellente surprise aussi agréable visuellement que pour son écriture et ses personnages, même si l'on notera quelques baisses de rythme dommageable pour son intensité toute en longueur.