Ovni dans le domaine de la romance, du thriller, de l'espionnage et du film de guerre, le nouveau long-métrage de Zemeckis a de quoi surprendre, voire agacer. Tout, en effet, peut sembler factice et sans saveur. Et cela à cause de la sobriété extrême des textures, des jeux, de l'intrigue même. Mais en réalité, cette apparente froideur recèle d'une très puissante profondeur et intensité basées sur des questionnements existentiels.
Les personnages en apparence cliché pour Cotillard et fade pour Pitt, sont en réalité très riches. Brad Pitt qui n'est pas du tout tiède, a en lui un amour très fort, mais profondément respectueux, ce qui pourrait une fois de plus passer pour de la froideur; il peut faire des folies pour son amour, mais il faut faire l'effort de lire en lui si on ne le comprend pas immédiatement, car la mesure reste de mise dans manière d'aimer.
Une des scènes principales, qui montre combien leur amour est juste et parfait, mais dans le respect de l'autre et l'intimité, est la scène dans le bar après le mariage. Tout le monde fête et est ivre, mais eux se regardent avec des yeux plein d'amour. Tout est dit dans leur regard. Pas besoin de parler. Eux deux, le savent.
Ce qui pourrait donc passer pour une romance fade est en fait l'allégorie d'un amour sain et universel. Un Amour Vrai, sans le danger et la folie de la passion. Même Cotillard, qui peut sembler excessive, a une manière d'aimer intense, mais saine et juste.
Elle accepte de mentir à son mari, puis de mourir et de perdre celui qu'elle aime pour sauver ce qui doit vivre dans l'ordre des choses - son enfant... De la passion? certainement pas; son choix est murement réfléchi, comme l'indique l'épilogue. Et elle représente par cet acte l'allégorie de l'Amour universel prôné par le film.
Dans le domaine sentimental, Zemeckis joue donc ici la carte d'une réflexion sur la manière d'aimer des hommes. L'Amour avec un grand A, sans excès et juste, omniprésent et salvateur, peu importe les circonstances. L'Amour entre les hommes est plus fort que tout et vainc même les horreurs de la guerre.
L'intelligence du scénario fait que le film est également un thriller, un film d'espionage et de guerre. Et tous ces genres sont finement travaillés et liés entre eux. Comme Forrest Gump des années plus tôt, le film est comme une succession de scènes variées dans des décors eux aussi très variés. L'intrigue est toujours multiple, même si le point central est toujours clair. La partie du film qui traite de la guerre est exceptionnelle, car elle est faite avec une sobriété rare. Pas de coups de feu abondants, pas de sang excessif,... Le thriller quant à lui tient en haleine, si on se laisse prendre par son apparente simplicité et par l'histoire d'Amour qui en est la base et est loin d'être commune sous ses airs. Mais dans ce film les apparences sont trompeuses. Tout y est dans la mesure et l'esthétique. Même dans les décors. Comme si De Vinci était passé dans chaque plan de Zemeckis pour y apporter sa maîtrise des couleurs, des lumières, des émotions,...
Ce film est un bijou de finesse, qui prône la mesure dans toute chose sur un fond sentimental d'une justesse et d'une sagesse rares. Et le style du film dans sa réalisation en est lui-même le représentant. Tout concorde, tout joue, et malgré cette sobriété si parfaite, l'émotion est à son comble. Mais attention, il faut faire l'effort d'ouvrir l'oeil si l'émotion ne vient pas naturellement, car la richesse de ce film ne peut passer inaperçu si on fait l'effort de le comprendre dans toute sa justesse. A voir et revoir sans modération...