Si vous n’aimez pas Lelouch, passez votre chemin car son dernier film, c’est du Lelouch pur sucre et pur beurre : 100% bio ! Dans la forme, dans le fond, tout y est ! Moi, j’aime bien son cinéma et depuis longtemps mais je sais que c’est un cinéma déroutant et qu’il ne plait pas à tout le monde. Dans la forme d’abord, on est en terrain connu. Claude Lelouch sait tenir sa caméra pour faire des jolis plans, il sait filmer les foules, il sait jouer avec son montage pour dérouter le spectateur (flash back, scènes rêvées, faux départs), il soigne ses génériques de début, il sait utiliser la musique et il sait collaborer avec les meilleurs (Francis Lai dans le cas présent) et surtout il sait mettre en valeur ses acteurs et les filmer comme personne. On peut dire ce qu’on veut de ses films mais on doit reconnaitre qu’il connait son travail et qu’il le fait avec une passion et une conviction qui transparaît à l’écran. Dans « Un une », c’est Elsa Zylbertstein mais surtout Jean Dujardin qui sont sublimés par sa caméra. Je ne suis pas une très grande fan de Zylbertein, j’ai souvent été agacé par son jeu un peu maniéré et pas follement naturel. Dans les premières scènes où elle apparait et où elle se lance dans des explications philosophico-spirituelles un poil surréalistes, j’ai crains le pire car je la trouvais presque « fausse ». Mais plus le film avance et plus elle montre autre chose, une fragilité à fleur de peau, une profondeur bienvenue qui fonctionne et qui me réconcilie un peu avec son jeu d’actrice. Jean Dujardin, lui, est merveilleux sous la caméra de Claude Lelouch, à tel point qu’on se met à regretter que cette collaboration n’ait pas eu lieu plus tôt ! Il compose un Antoine terriblement crédible, touchant et drôle malgré ses défauts et son machisme un peu arrogant : il irradie le film. On le sait, Lelouch laisse une grande part à l’improvisation dans ses tournages, au point même de laisser les fous rires de ses acteurs au montage final, ce qui arrive ici avec Dujardin. Forcément, si on lâche la bride à un type comme Jean Dujardin et qu’on le laisse improviser quasiment en roue libre son rôle et ses dialogues, il n’y a qu’à se baisser pour en récolter les fruits. Je m’en voudrais de passer sous silence les deux seconds rôles tenus par Alice Pol (peut-être un tout petit peu sacrifié) et Christophe Lambert. Lambert, c’est comme Zylberstein, ce n’est pas un acteur que j’apprécie particulièrement mais là, dans les rares scènes où il apparait, et notamment dans sa dernière scène autour d’un café, il est parfait, très juste, bouleversant même. Le scénario de « Un une » est un concentré des scénarii de Lelouch : une histoire de destins qui se heurtent, de gens qui s’aiment en dépit de tout, qui se cherchent, se trouve, se perdent, se retrouvent. C’est en Inde qu’il a choisi de situer son film et c’est à mes yeux sa meilleure idée depuis longtemps. Au début, ce voyage spirituel entrepris par Anna et Antoine fait un peu sourire, ces histoires de quête spirituelle, de purification de l’âme, de sérénité paraissent un peu étrange aux oreilles occidentales. Mais si on enlève un (tout petit) peu ses œillères et qu’on ouvre un (tout petit) peu son esprit, on ressent une vraie émotion devant les scènes avec Mata Amritanandamayi. Cette femme, qui existe vraiment et est ultra célèbre en Inde, ne joue pas son propre rôle pour la bonne raison qu’elle ne joue pas dans le film. Elle a accepté de se laisser filmer pendant qu’elle étreignait Anna et Antoine, ou plutôt Elsa et Jean, c’est différent. Cette femme est assez fascinante, elle étreint et console tous ceux qui viennent la voir sans exception, pour qu’ils sentent mieux et guérissent leur âme. Ca peut faire sourire, mais moi je trouve qu’il y a quelque chose d’essentiel dans cette démarche et qu’on aurait tort de balayer cyniquement. Il y a 3 personnages dans « Un une », il y a lui, il y a elle et il y a l’Inde. Ce pays totalement fascinant, tellement différent des autres qu’on a l’impression qu’il se situe dans une autre dimension. Lelouch le film comme il faut : l’Inde est bruyante, odorante, colorée, grouillante, dans « Un une » on a l’impression que ce pays est un organisme vivant avec des globules qui circulent sans discontinuer, des couleurs chaudes, des odeurs contrastées, le magnifique côtoie de près le sordide. De ce point de vue aussi, le film de Lelouch est une expérience différente. Si on veut être complet, on peut peut-être regretter quelques détails comme la sous-écriture du rôle d’Alice, quelques rebondissements « Lelouchiens » un peu trop attendus et téléphonés, une fin un peu abrupte qui laisse un peu sur sa faim ou encore quelques petites longueurs par moment mais c’est peanuts au regard du film qui fonctionne vraiment. J’ai vu pas mal de film de Lelouch, ce n’est pas son meilleur mais c’est loin d’être son moins réussi.