Deux tours jumelles près de la porte de Bagnolet. Deux top models, style fleurs de pavé, qui ne vont pas très bien : l'une est moldave mais parle un français parfait, l'autre est parisienne, on dirait la sœur d'Adèle Exarchopoulos. Un jeune black qui se fait embaucher comme vigile un peu partout
et finira par patrouiller en treillis avec arme en bandoulière.
Un jeune asiatique réfrigéré qui ne s'exprime que par de courts gémissements. Une sorte de fantôme qui casse des trucs avec une barre de fer, la nuit. Des plans un peu léchés de la banlieue Est... etc. Le film de Virgil Vernier se prête à l'inventaire. Il n'y a pas vraiment d'arc narratif, plutôt une suite de séquences vaguement reliées entre elles par l'espace dans lequel elles se situent. Ça parle wesh, ça s'ennuie, ça ne sait pas où ça va. Ultra-modernes solitudes. Rêveries embrumées par les vapeurs du périphérique. Ça frise parfois le documentaire (au début). Certains disent même : l'art contemporain. Mais là franchement je ne vois pas. Le côté déconstruit ? Le peu de souci du spectateur, qui devra trouver tout seul comment faire tenir ensemble les pièces du puzzle ? Le filmage est propre, limite chichiteux. C'est tourné en 16mm, on ne sait pas très bien pourquoi. C'est granuleux, format 4/3 à l'ancienne, ça n'apporte pas grand chose. Dialogues souvent improvisés et ça s'entend. Mais il parait que c'est quand même très écrit : pour quoi faire, tant le film semble décousu, et ses mailles relâchées ? Je ne dis pas que tout est à jeter, il y a de jolis moments là-dedans, ça change du tout venant des films de commissions, mais au bout du compte, c'est presque pareil. Banlieue, multi-culturalisme, dérive post-adolescente, no futur = tous les marronniers du jeune cinéma français subventionné sont là. Il ne manque que l'homosexualité. Et les mêmes écueils, les mêmes clichés éculés qu'on retrouve d'un bout à l'autre, jusqu'à l'odyssée finale des deux copines qui quittent leur banlieue pour l'improbable résidence secondaire à la campagne que l'une d'elle tient d'un grand-père ancien prof d'éducation physique
qui est mort sans avoir pu en profiter
, ruinant la tentative d'ancrage prolétarien que le film réussissait plus ou moins à tenir jusque là. Sans compter le regard lourdement masculin et complaisant du cinéaste sur les corps parfaits de ses deux protagonistes, qui rappelle le voyeurisme de Kechiche dans "La vie d'Adèle". Un bon point quand même pour l'indus-electro-ambient qui tapisse la bande-son et donne au film un peu de caractère et de distinction, quand tant d'autres se seraient vautrés dans une variétoche immonde. Mais ça ne va pas suffire pour en faire une œuvre mémorable ou forte. Juste un (long) exercice de style. Passable. A peine.