(...) Tout le monde attendait Deux Jours, Une Nuit, Sils Maria ou Saint Laurent au palmarès des films français de Cannes. Contre-toute attente, de ces films oubliés du jury, il ne restait que Party Girl pour redorer le blason français (et l’inclassable Adieu au Langage de Jean-Luc Godard). Un film « sauvage, généreux et mal élevé » selon les mots de Nicole Garcia qui a honoré le film du prix de la Caméra d’Or, la récompense des meilleurs premiers films à Cannes (...) Tourné intégralement dans l’Est de la Moselle, à la frontière allemande, Party Girl raconte le portrait d’une vieille fille qui a toujours vécu dans le milieu de la nuit et qui s’interroge sur l’absence de clients. Elle va directement frapper à la porte de son ancien habitué, Michel, pour lui demander des réponses. Il ne peut plus supporter de payer pour pouvoir l’aimer. A cet instant, les regards s’émeuvent, les yeux se baissent par gêne, les lèvres frétillent, les visages rougissent, et ils décident presque naturellement de passer un petit bout de temps ensemble. Jusqu’à ce qu’il la demande en mariage. Party Girl est un portrait formidable d’une femme épicurienne, ne pensant qu’à boire et jouer des hommes dans un milieu des plus fêtards et des plus impossibles à normer, le cabaret. C’est aussi un film à l’image d’une région oubliée par la France, cette Lorraine très ancrée dans sa culture germanophone et dont les dialogues voient s’alterner le charme de la langue française et la brutalité de la langue de Goetze, ce patois frontalier qui voit l’allemand et le français se confondre dans les repas de famille. Les trois réalisateurs du film ont su capter la vie, le folklore et les petits instants de cette région avec une telle justesse qu’il est impossible de ressortir de la salle sans ressentir une vive émotion, une sorte de frisson qui vous parcourt et vous renvoie loin dans le passé où les grands-parents vous appellent « Mein Schatzie » (mon petit chéri) et vous emmènent sur la route, voyant défiler les immenses paysages de l’ancienne cité minière qu’est le Bassin Houiller. Il y a une force, une sensibilité et une conviction implacable dans ce film. A l’instar de Forbach, Party Girl est le récit de toute une région, qui incarne malheureusement aujourd’hui le déclin économique, la vulgarité d’une région profonde et la colère de ses habitants, trahis par l’abandon des usines (...)