Un film grec : voilà qui n'est pas si courant que cela, du moins importé sur nos écrans. Ici, nous sommes à des années-lumière des films d'un Angelopoulos que nous avons tant aimé, loin de la sobriété et de la pudeur du maître grec. Panos H. Koutras est un peu le trublion du cinéma grec et c'est à ce titre qu'il nous fascine, un peu comme Almodovar dans le paysage cinématographique espagnol. "Xénia", c'est d'abord un hymne à la jeunesse, à son désir de liberté, à son insolence. Dany et Ody sont deux jeunes adolescents dont le second a encore un pied dans l'enfance même s'il affiche clairement une homosexualité pleinement assumée. Le film raconte leur odyssée à travers la Grèce, depuis la Crète jusqu'à Thessalonique en passant par Athènes et Larissa. Il s'agit pour les deux jeunes gens de retrouver leur père biologique qui a lâchement abandonné leur mère alors qu'ils étaient tout enfants. En fait, nés d'une mère albanaise, ils ont besoin d'être reconnus par ce père pour obtenir la nationalité grecque et éviter ainsi l'expulsion d'un pays qui a des comptes à régler avec les étrangers. On le verra lors de l'épisode athénien où des jeunes d'extrême-droite organise des ratonnades musclées à l'encontre des indésirables venus d'ailleurs mais aussi des gays. Le contexte politique est donc nettement évoqué et d'autant plus poignant que l'on connaît le succès du parti Aube dorée dans un pays où la crise socio-économique est plus aiguë que dans tout autre pays européen. Mais l'odyssée des garçons a un autre but : concourir à un télé-crochet en espérant l'emporter avec un tube des années 60 qu'interprétait Patty Pravo, l'idole de leur mère. On le voit, le film mêle plusieurs thèmes : l'homosexualité revendiquée et assumée malgré les risques encourus, la recherche d'un père assimilé à un salaud (du reste on apprendra que c'est un politicien d'extrême-droite), l'amour sans borne vis-à-vis d'une mère qui vient de décéder, la menace fasciste qui pèse sur la Grèce... Et pourtant, malgré la gravité des thèmes abordés, le film se caractérise par une grâce, une légèreté, une fantaisie qui a tout pour séduire. Parfois même il donne dans un délire étonnant mais jamais gratuit. La figure récurrente du lapin (Alice n'est pas loin...) est à ce titre emblématique, allant jusqu'à prendre des dimensions oniriques impressionnantes sur la fin du film. En outre, Panos H. Koutras convoque tous les genres - ou presque - du cinéma : le road-movie bien évidemment, mais aussi le cinéma fantastique, la comédie musicale, le film d'action... Le tout fonctionnant à merveille et demeurant toujours surprenant pour le spectateur. Enfin, il faut bien sûr mentionner la performance des deux acteurs principaux, parfaitement complémentaires, et qui vivent sous nos yeux une aventure cinématographique faite d'un plaisir constamment partagé.