Eloge de la volonté, le très réussi et très joli film de Denis Dercourt offre à Albert Dupontel et à Cécile de France, deux acteurs qui n’ont plus rien à prouver, l’occasion d’incarner deux quadragénaires que tout oppose et qui pourtant vont, au contact l’un de l’autre, se trouver, ou plutôt se retrouver. Albert Dupontel incarne un cascadeur blessé, dans tous les sens du terme, et qui doit réinventer sa vie. Bourru et têtu comme une mule, un rôle qu’il lui va comme un gant. Assez taiseux et ombrageux, il tranche avec le personnage de Florence, incarné de façon très délicate et solaire par Cécile de France. Florence est tout le contraire de Marc, aussi coincée dans sa vie d’épouse et d’assureur qu’il est libre, aussi résignée qu’il est volontaire. C’est elle qui vient à sa rencontre pour l’aider à s’adapter à sa nouvelle vie (enfin, « l’aider » à la manière d’un assureur qui veut rapidement classer un dossier !) et c’est lui qui rapidement crève la bulle qui le retenait prisonnière. Il y a quelque chose de très beau dans cette histoire d’amour toute simple, quelque chose de palpable : pas de romanesque, pas de sentiments exaltés, pas de grandes déclarations d’amour et ou mots définitifs, c’est une histoire d’amour murmurée. Le scénario, même s’il déroule une histoire toute simple sur une durée de 90 minutes, nous embarque avec une facilité déconcertante pour ne nous lâcher que dans la dernière image, le cœur serré et la larme à l’œil. Quand je parle de larme, je parle d’émotion pas de pathos dont il n’y a nulle trace dans ce film. La détermination de Marc à remonter à cheval coute que coûte (et il lui en coutera), à laquelle on croit d’emblée avec lui dur comme fer, nous empêche de nous apitoyer une seule seconde sur le destin de ce cascadeur trahit par ses employeurs, manipulés par sa compagnie d’assurance, poursuivis par des huissiers. Il émane une telle force de son personnage, et ce en grande partie grâce à son interprète, qu’on ne doute pas une seconde de sa détermination, donc de sa réussite. Le personnage de Florence est plus complexe, et encore plus intéressant. Sous ses airs de femme accomplie, elle est tiraillée entre un mari qu’elle n’est plus sure d’aimer, un métier qui exige d’elle des choses qu’elle répugne à faire et une sensibilité artistique qu’elle a soigneusement bridée. Elle a l’air heureuse et comblée, mais c’est une façade qui se lézarde doucement, scènes après scènes. C’est surement plus délicat à incarner pour une actrice qu’un personnage monolithique comme l’est celui de Marc. Je suis heureuse que le film n’ai pas cédé aux facilités du « happy end » improbable, et qu’au contraire la fin soit douce-amère, pleine d’émotion et de retenue. Au rayon des petits défauts, pas grand-chose en boutique : une réalisation peut-être un peu académique, encore que les jolis décors de l’Ouest soient plutôt bien mis en valeur. Les seconds rôles auraient peut-être être un peu plus écrits, notamment celui de Julien, époux de Florence dont on ne sait pas bien ce qu’il devine ou ne devine pas de la tempête qui ravage le cœur de son épouse. Il a l’air de ne rein remarquer mais, à travers la scène du quad, je n’en serais pas si sure… Et puis l’entourage de Marc aussi n’est pas très présent, on ne sait rien de sa vie passée, de ses attaches. Il a l’air très entouré et très seul à la fois, c’est un petit peu mystérieux. Mais tout cela ne gâche pas la très bonne impression que laisse « En Equilibre » : excellent casting, scenario simple et touchant, bref, film réussi.