Sorti en catimini en octobre 2015 sur nos écrans, « Fatima » a beaucoup fait parler de lui ces derniers jours et pour cause. Philippe Faucon, qui a souvent dressé un portrait tendre de la « banlieue » ou qui aborde régulièrement le thème de l’immigration dans son cinéma, présente la vie d’une femme maghrébine avec beaucoup d’humanisme et de réalisme.
Fatima, c’est la mère- courage qui se lève à l’aurore pour assurer son travail, qui enchaîne les heures de labeur pour permettre à ses filles de vivre décemment. Stricte, attentive, elle tente d’inculquer des valeurs, la notion de respect et de volonté à deux adolescentes qui vivent au cœur d’une société discriminante. Alors que l’une retrousse ses manches pour avancer et rendre la pareille à sa mère, l’autre fuit et lui fait ressentir la honte de vivre cette situation. Car les trois femmes vivent dans un petit appartement au cœur d’un HLM, où le regard des autres femmes immigrées sur cette mère divorcée est dur et peu tolérant, le travail peu valorisant…Il y aurait de quoi baisser les bras, mais ce n’est pas le souhait de Fatima, que du contraire. Déterminée à trouver sa place dans notre société, elle suit des cours pour maîtriser le français (qu’elle comprend mais ne parle quasiment pas) et écrire…
L’histoire est forte d’autant plus quand la réalité rattrape la fiction et que l’on prend conscience que l’histoire de Fatima, c’est aussi l’histoire que vivent de nombreuses femmes dans nos pays. Plus qu’un film, c’est une sorte de docu- fiction qui prend vie sous nos yeux, un drame social où l’espoir et le courage se côtoient régulièrement, que ce soit dans les choix de Nesrine, qui ne lâche rien pour obtenir la réussite de sa première année de médecine ou dans ceux de Fatima qui cumulent les emplois pour financer ces coûteuses études. Et du courage, nos deux comédiennes en ont eu et méritent amplement qu’on les salue.
Soria Zéroual la première car cette comédienne débutante ne connaissait rien à l’univers du cinéma. En effet, pour que le rôle de cette mère de famille soit crédible, il fallait trouver une comédienne maghrébine qui maîtrisait mal le français et s’exprimait correctement dans sa langue natale, pas facile ! Dès lors, c’est sur Soria que le choix s’est porté et heureusement car sa performance est incroyable tant elle est vraie ! En compétition dans la catégorie « César de la meilleure actrice », on lui a préféré une comédienne plus expérimentée (Catherine Frot) mais qu’importe, elle n’a pas démérité cette nomination et a été amplement à la hauteur du rôle qu’on lui a confié.
Nous évoquions plus haut que son personnage de Fatima écrivait ses états d’âme, ce qu’elle ne peut pas dire à sa famille… Tout comme Fatima Elayoubi, auteure du livre « Prière à la lune » dont le film est adapté. Rien n’est dû au hasard et tout est bien pensé, à tel point que l’heure quart du film passe comme une flèche.
Autre comédienne brillante dans ce film, Zita Hanrot, récompensée par le César de la meilleure actrice dans un second rôle et on comprend amplement ce choix ! Quelle prestance, quelle assurance ! Elle incarne la jeune étudiante en médecine, partie suivre son cursus à quelques kilomètres de chez elle et qui passe des nuits blanches à étudier au point d’oublier de vivre au profit d’une réussite qu’elle doit obtenir coûte que coûte. Le week-end, elle rentre près de sa mère qui croule sous le travail et doit en plus gérer une ado en crise adapte de l’école buissonnière. Cette ado, c’est Kenza Noah Aïche qui l’interprète. Plus en retenue et moins convaincante que les deux autres femmes, elle ne démérite cependant pas et fera peut-être son petit bonhomme de chemin.
Le film a le don de faire réfléchir, c’est certain et mériterait d’être présenté dans les écoles pour ouvrir le dialogue, aborder les préjugés, montrer les difficultés de s’intégrer dans notre société, la barrière de la langue et l’isolement qu’elle peut créer… A plusieurs reprises, le personnage de Nesrine évoque qu’il n’est pas facile d’étudier à la maison, de se faire aider quand on n’y parle pas la langue que l’on apprend à l’école… C’est une réalité que de nombreux enfants connaissent et on ne peut le nier. Philippe Faucon est là pour gentiment nous le rappeler.