S'il y a bien quelque chose qui devient commun chez moi ces derniers temps, c'est de redécouvrir des films qui m'ont plus ou moins marqué durant mon enfance (voire mon début d'adolescence), pour au final me rendre mieux compte de la notoriété du film, ou ses défauts que je n'avais pas perçus dès le premier coup, puis lui faire des éloges à l'écrit. Pour ainsi dire j'écris en effet assez peu sur les films que je n'apprécie pas,
parce que pour moi l'objectif d'une vraie critique est de méditer longuement sur un bon film, plutôt que de se prendre la tête à trouver les mots pour au final dissuader les spectateurs à regarder le film. Ce coup-ci, ce revisionnage de "La Ligne Verte", adapté du roman éponyme du "King" Stephen, ne déroge pas à la règle: déjà à l'époque, encore sacré petit démon naïf accro aux films d'horreur, le film m'avait littéralement transporté mais en aucun cas traumatisé contrairement aux avertissements. Je le revois pour la première fois depuis quatre ans et l'électrochoc est toujours le même ! Quelle claque mes aïeux, mais quelle claque ! Paul Edgecombe (Tom Hanks), retraité centenaire, se remémore l'époque ou il était gardien de prison pour condamnés à mort, en 1935. Un jour, John Coffee (Michael Clarke Duncan), colosse impressionnant, est incarcéré après avoir été accusé du meurtre de deux fillettes. Néanmoins, malgré sa taille et le crime dont il est accusé, cet homme s'avère très gentil, inoffensif. Paul, persuadé de son innocence, découvre avec ses collègues (David Morse, Doug Hutchison, Barry Pepper) qu'il est doté d'étranges pouvoirs
(il fait disparaitre l'infection urinaire dont Paul est atteint, fait ressusciter la souris violemment tuée par Percy, soigne la femme du directeur gravement malade, etc. et tout cela en un seul geste)
dont lui-même ne peut expliquer. Cependant, Percy, gardien de prison méchant et prétentieux,
(mais qui s'avère être au final un peureux qui n'a aucun courage, référence à la scène ou il urine de peur après une rebéllion d'un prisonnier)
ne va pas arranger sa situation et mettre en péril la vie des prisonniers. Coffee serait-il innocent? Si oui, pourra-t-on le prouver? Et surtout, comment rester stable lorsqu'on vit entouré d'un collègue et d'un prisonnier (Sam Rockwell) insupportables, et de la Mort qui rôde autour de la "ligne verte"? Voilà pour le scénario, et les questions posées tout au long. Déjà, Frank Darabont n'en est pas à son coup d'essai: après avoir réalisé une autre adaptation de King, "Les évadés" (1994) avec Tim Robbins et Morgan Freeman, et son twist final étonnant (il réalisera une autre adaptation en 2007: "The Mist", et aussi quelques épisodes de "Waking Dead"), le réalisateur nous foudroie le coeur comme si, du jour au lendemain, on nous annonce qu'on est condamné à la chaise électrique à notre tour: c'est pourquoi le film est très émouvant puisqu'il regorge de surprises, comme dans la vie réelle, et le film a beau être fantastique il regorge aussi d'événements réels. Le "King de l'horreur" réussit aussi à faire pleurer, si c'est pas du génie ça ! ^^ Parce qu'ici, contrairement à "Shining" (1980), "Misery" (1987), "The Mist" (2007) ou encore "Christine" (1983) ce n'est pas de l'angoisse que l'on ressent (quoique quand même un peu durant certaines scènes) mais surtout de la compassion pour les personnages (la bêtise de certains, le destin malheureux des autres ; entre les deux, Hanks en est le témoin). L'histoire du film a, à première vue une allure larmoyante voire tire-larmes un peu lourde mais il n'en est rien, à tout moment le film est juste et n'en montre jamais de trop.
Le film est tellement passionnant malgré ses 3h, que celles-ci passent sans s'en rendre compte, on a presque l'impression de faire partie du film momentanément, d'être aux côtés des personnages, à peu près tous valeureux et aussi drôles que touchants : Paul, campé par un Tom Hanks à son plus haut niveau (rôle à placer entre ceux qu'il campe dans "Forrest Gump" et "Il faut sauver le soldat Ryan"), est un personnage émouvant car profondément nostalgique (c'est moi tout craché ça), intelligent puisque
dès l'arrivée de John en prison, il est persuadé de son innocence et fait le bon choix de faire confiance à celui-ci
, et réussit à être l'archétype du parfait gentilhomme, c'est-à-dire l'homme qui reste à son rang social sans essayer de changer quoi que ce soit. Par ailleurs, est-ce un hasard si, un an plus tôt, "Il faut sauver le soldat Ryan" ait aussi un déroulement d'histoire basé sur le souvenir d'un Hanks âgé? Les autres personnages restent pour ma part très intéressants: Brutal, interprété par David Morse (qui m'avait déjà fasciné dans "Dancer in the dark" un an après, un film majeur qui fait d'ailleurs partie de la cause de ma cinéphilie, dans lequel il interprète d'ailleurs un policier...), n'a hélas pas d'histoire particulière dans le film, tout comme Dean (interprété par Barry Pepper, figurant également au casting du "Soldat Ryan"). Edward Delacroix, détenu naïf et gentil apprivoisant une souris nommée Mister Jingles, est un personnage intriguant puisqu'on s'interroge tout au long du film sur sa place en prison puisque rien n'indique le motif de son emprisonnement (du moins pas dans le film, et si oui on peut s'interroger sur sa culpabilité), encore moins son comportement, contrairement à William Wharton, surnommé "Billy the kid", détenu insolent, raciste et méprisant qui n'hésite jamais à ridiculiser un gardien ou à se moquer des autres détenus
(notamment lors de sa scène de la glaçante scène d'exécution de Delacroix ne se passant pas comme prévu à cause de Percy).
Puis, il y a John Coffee. Ce personnage si fascinant et inquiétant mais se révélant profondément humain et émouvant (mention spéciale à une géniale interprétation du défunt Michael Clarke Duncan), symbolisant la peur de l'Homme de l'étranger, de la grandeur et de l'inconnu puisqu'au début il regorge de mystères et le film nous demande s'il est vraiment meurtrier. D'ailleurs, j'ai trouvé que le fait qu'il ait des pouvoirs magiques signifiait, en particulier dans la scène ou il fait apprendre la vérité à Paul, mais que ce dernier ne peux rien prouver aux autres, que dans la justice l'idéal n'existe techniquement pas, et quel seul l'impossible (sachant que ses pouvoirs sont le seul élément fantastique du film) peut permettre un présent idéal. En second lieu, pour en revenir aux personnages, je pense que celui qu'interprète Gary Sinise aurait également pu être mieux développé mais on lui pardonnera, il a déjà fait ses preuves un peu plus tôt dans lesdits "Forrest Gump" et "Apollo 13", ainsi que dans son tout premier film, "Des souris et des hommes", sorte de version plus gentillette de "La Ligne verte" adaptée du roman éponyme de Steinbeck (par ailleurs je retrouve pas mal de ressemblances entre John Coffee et le personnage de Lennie dans "Des souris et des hommes"... La souris, le colosse un peu simplet mais au fond très gentil... Ou même,
la mort non-voulue des deux personnages.)
Enfin, le destin réservé au personnage de Coffee va être propice à une sensibilisation juste et convaincante de la peine de mort, sujet ayant toujours divisé entre ceux qui y voit une solution idéale et ceux qui disent non à la déshumanisation. Le film brosse non pas une critique de la prison mais plutôt une critique des stéréotypes qui l'entourent, puisqu'en effet, s'il s'agit d'un endroit glauque belle et bien entouré de ...... ou la Mort occupe une partie de la place, ce lieu reste avant tout un endroit ou la vie est encore présente ;
c'est ce que le personnage de Percy, une abominable tête à claques détestée par tous et toutes, ne comprend pas, puisque durant tout le film il prend un malin plaisir à insulter et torturer les prisonniers qui se révèlent par ailleurs, à l'exception du surnommé "Billy the kid", beaucoup plus gentils que le gardien lui-même. Ce personnage dénonce certaines violences qu'ont les policiers sur les prisonniers (privilégiant leur devoir au bien-être de ces personnes, certes dangereux les 3/4 du temps mais le film donne une image plus optimiste des prisonniers). Par contre ce personnage n'est ni dans la cas de l'homme patriotique guidé par son rôle, ni dans le cas de l'homme émotif uniquement guidé par ses émotions, puisqu'il est désobligeant envers les autres mais à côté, il n'a pas le courage de prendre la défense de son collègue lors de la scène ou Billy the kid agresse ce dernier.
""" Ainsi, le manichéisme ne domine pas dans la manière dont le film sensibilise la peine de mort et la cruauté, et le résultat est très émouvant. Tout ceci pour mener à une fin qui ouvre à une interrogation subtile: est-ce que la Vie vaut forcément mieux que la Mort? Et aussi, est-ce que vivre longtemps est un réel cadeau? Nombre de choses faisant réfléchir dans ce magnifique film (dont le roman m'est vraiment tentant) sublimé par Tom Hanks ici dans son meilleur rôle à mon goût, par d'inoubliables moments d'émotion... bref que du bon ! Si le film paraîtra naïf pour les plus durs d'entre vous, il m'est pour moi impossible de mettre en dessous de 10 tant le film m'a transporté, voire littéralement emprisonné, sans moyen aucun de décrocher. Un grand classique à voir au moins une fois.