Avis sur Le manoir aux louves

Voilà un des films les moins connus de l’histoire du cinéma (une critique sur l’IMDB, c’est dire !), et pourtant c’est un film érotique loin d’être mauvais, proche du cinéma de Rollin, mais que le titre certes pourra rebuter avec son titre racoleur à la Michel Caputo !
Les acteurs ne sont pas terribles, mais il faut avouer que Michel Lemoine, qui joue d’ailleurs aussi dans le métrage le principal rôle masculin, a su s’entourer, comme Rollin au demeurant, d’actrices charismatiques, avec une présence, qui en font d’ailleurs aussi de bonnes actrices de fantastique car elles ont un physique particulier. Ici on a un lot d’interprètes féminines qui proposent la même approche, lente, éthérée, peu crédible dans la déclamation et la gestuelle que dans les bons films de Rollin, mais qui sont assez superbes, nues ou dans la soie et le satin, et qui savent tout de même se glisser avec le scénario dans l’ambiance d’un conte érotique et sombre. Cela rattrape le coup.
Le scénario justement est parait-il inspiré d’un livre du même titre de Jean Breton, que je n’ai toutefois pas lu. Je ne ferai donc pas le comparatif. Michel Lemoine propose ici un métrage érotique soft, avec des personnages plus travaillés qu’attendus, surtout au départ, et avec une histoire qui, sans apparaitre transcendante, sait faire preuve d’un réel intérêt. Il y a un arrière fond sombre, malsain, pervers, qui émerge de temps en temps en craquelant le décorum bourgeois, et je dois reconnaitre que Les Chiennes offre finalement un divertissement plutôt agréable, avec aussi l’instauration d’une ambiance, d’une atmosphère, et du fait de dialogues plus aiguisés que prévus. Finalement Les Chiennes sous son titre peu attirant cache un film érotique plus subtil que la moyenne.
Je relève sinon le bon travail de Michel Lemoine. C’est un réalisateur érotique que je ne connaissais pas encore, je le découvre donc et cela est plutôt une bonne surprise. Sa mise en scène est très propre, avec une exploitation des décors brillante, un talent certain pour filmer des scènes érotiques soft, qui ne manque pas de beauté, et, chose assez rare, de tendresse. Alors certes il y a quelques ratés, plutôt quelques approximations (la caméra qui s’arrête laborieusement sur la chaine de la porte par exemple, ce n’est pas terrible) mais Lemoine était en début de carrière et le résultat ne démérite pas du tout. Je note aussi des décors très soignés. Je n’ai pas reconnu le château de la Loire, mais le film se passe a priori dans les alentours d’Amboise, dans un château qui a fier allure, et le film exploite bien les parcs, les bois alentours, pour instaurer une ambiance hors du temps qui sert parfaitement le métrage. La photographie, vaporeuse, éthérée, aide bien d’ailleurs à ce plongé hors du temps, dans une sorte de voyage onirique assez radieux. L’érotisme comme déjà dit est soft, aussi vous ne verrez rien de choquant. Par ailleurs Lemoine rend les scènes très classieuses, et disons qu’on est là dans un érotique raffiné, élégant, pour les esthètes ! La bande son est par ailleurs très réussie, bien qu’un peu répétitive, et elle accompagne fort bien l’ensemble du film.
Les Chiennes mérite donc le visionnage, et il serait dommage, car pour Bordel SS de Bénazéraf d’être rebuter par le titre car on se retrouve finalement avec un métrage de qualité et pas racoleur pour un sou. C’est très proprement fait, et si Lemoine n’atteint pas ici la qualité du susnommé, pour autant il signe une belle œuvre, méconnue. Je lui accorde 4.