Gabriel Mascaro a cherché via ce film à questionner l’idée du corps, que ce soit le corps animal ou humain, homme ou femme. Au moment où il écrivait le script, il a assisté aux vaquejadas et y a remarqué une éthique impressionnante du corps qui respecte la proximité dont les propriétaires et les travailleurs font preuve entre eux et avec les animaux. Le cinéaste développe :
"En coulisses, les vachers nettoient la queue du taureau, lui mettent du talc, puis l’envoient sur la piste. Deux cavaliers les pourchassent ensuite. Le premier cavalier lui attrape la queue et la passe au second qui doit finir le travail en tirant le taureau à terre, et ainsi triompher. J’ai réalisé que ce sport est presque une allégorie de la hiérarchie brésilienne, qui se matérialise dans les corps de ces hommes et des animaux. Ce même mouvement se répète pendant des heures comme un rituel, une chorégraphie récurrente. Je voulais explorer ces corps, d’hommes et d’animaux, en en dévoilant de nouveaux contours, de nouvelles impressions, pour montrer que la violence et le plaisir habitent le même corps."
En commençant l’écriture du script, Gabriel Mascaro s'est rapproché du monde des vaqueiros (vachers) qui travaillent dans les coulisses des vaquejadas. C'est là que metteur en scène a rencontré un vacher qui travaillait à la fois avec le bétail et le textile. Il se souvient : "J’étais fasciné par la façon dont il ritualisait le nettoyage des queues de taureaux, et comment, quelques heures plus tard, il s’asseyait derrière une machine à coudre pour commencer son deuxième travail. Ça a été le point de départ pour écrire un personnage qui combinerait force et délicatesse, violence et affection."
Gabriel Mascaro a choisi de tourner Rodéo au Nordeste qui est une région où de nombreux classiques du mouvement Cinéma Novo ont été réalisés dans les années 60 et 70. "La région a connu un développement économique rapide et ses villes sont très riches, bien que l’inégalité soit encore endémique. Le paysage témoigne de cette construction chaotique et d’un manque de stratégie à long terme. Le film veut nous faire découvrir cette nouvelle réalité rurale avec des symboles très différents de ceux du Cinéma Novo, notamment dans la façon dont ils se rapportent à l’émotion humaine et aux aspirations. C’est un film sur la transformation du paysage humain", note le metteur en scène.
Dans le but de rompre avec l’image monochromatique de la désertification de la région du Nordeste, Gabriel Mascaro a filmé pendant la saison des pluies, rendant les images assez vertes. Il explique : "La présence de couleurs agit comme un agent politique qui transmet une certaine idée de la modernité et du progrès économique. La photographie du film faisait partie intégrante de la chorégraphie de chaque scène du film. La caméra est constamment en mouvement, de façon très subtile, avançant vers de nouveaux espaces, découvrant le tissu humain qui en émane, cet espace souvent turbulent, à la fois ordinaire et surréaliste."
Dans son film, Gabriel Mascaro a cherché à aller au-delà de la psychologie des personnages et les ancrer dans leur environnement naturel et dans leur chorégraphie quotidienne. "Le film ne suit pas nécessairement un personnage en particulier, mais s’intéresse plutôt à l’impact des expériences de chacun au sein du groupe. Ce sont des personnages curieux qui vivent des expériences intenses, et même si on en sait peu sur eux, nous nous impliquons profondément dans leurs histoires tout au long du film. Rodéo se concentre sur les conflits microscopiques qui constituent le quotidien. Comme toutes les routines, la vie est cyclique, continue, et c’est ainsi que le film se termine", souligne-t-il.