Voila un film formidable -passionnant. Et qui nous donne beaucoup à réfléchir sur la valeur du concept de démocratie, dans la mesure où on le réduit à la possibilité de choisir des dirigeants par des élections parfaitement libres et contrôlées. On nous donne toujours comme exemples de démocratie: l'Inde, Israël! L'Inde, où des marmots de huit ans travaillent toute la journée dans des fabriques qui ressemblent plus à des trous à rats, pour contribuer à la survie de leur famille? Israël, où une femme ne peut disposer d'elle même? Où est elle, la supériorité de la démocratie, dans ces cas là? Ronit et Shlomi Elkabetz, les inséparables frères et sœurs qui, de film en film, nous font voyager dans l'univers étouffant d'un pays étranglé par sa religion, ont réalisé une œuvre formidable mais qui, il faut le reconnaître, n'est pas faite pour les amateurs d'action puisqu'on passe deux heures enfermés dans un tribunal rabbinique, à suivre des dizaines d'audiences ponctuant les cinq ans qu'a duré le procès de demande de divorce de Viviane, interprétée par la belle Ronit.
C'est que dans ce beau pays, la seule chose qui compte, c'est la répudiation de l'épouse par le mari. Celui ci ne veut pas divorcer? Il ne prononce pas les mots de répudiation. Et basta.
Devant le tribunal rabbinique, le seul apte à en juger, Viviane vient donc demander que l'on contraigne son mari au divorce. Elisha (Simon Abkarian, qui donne, avec une extrême sobriété, énormément d'humanité à ce personnage qui pourrait facilement tomber dans le caricatural et le haïssable) est défendu par son frère Shimon (Sasson Gabai), apprenti rabbin et passablement borné. Viviane par Carmel (Menashe Noy), avocat fort laïque -et d'ailleurs il ne porte pas de kippa dans cette noble enceinte rabbinique, ce qui déplait fort au tribunal!
Elle s'est mariée jeune, elle a eu quatre enfants. Elle venait, elle aussi, d'une famille très religieuse (tout comme l'avocat dont Shimon ne cesse de rappeler la filiation avec un célèbre rabbin!). Mais petit à petit, la bigoterie de son mari l'a rendue anti- cléricale, elle est partie, elle revient pour suivre les préconisation du tribunal, elle repart, elle ne peut plus voir cet homme, elle veut le divorce à tous prix, à n'importe quel prix. Elle est irréprochable, elle n'a jamais eu d'amants, elle continue à préparer la nourriture de son mari et à verser son salaire sur le compte commun, on ne peut rien lui reprocher, mais à chaque fois, le tribunal machiste revient là dessus, essaye de la prendre en faute, de la coincer..... jamais tribunal n'a été moins impartial! Elle veut le divorce, elle veut partir, pas pour refaire sa vie, pas pour se remarier: pour être libre de cet homme qu'elle ne supporte plus. Les regards que le couple se lance, chacun de leur banc: la marque de deux très grands acteurs.
Les témoins défilent. Dans cette société patriarcale, peu de femmes sont invitées à donner leur avis (dans une scène très drôle, une voisine parle sous le contrôle de son mari!). Tout le monde dit du bien d'Elisha, homme respecté et écouté dans toute la communauté religieuse. Quoique. On apprend, au détour d'un témoignage, qu'il se montre extrêmement intolérant. Qu'un membre de la communauté psalmodie un verset de travers, et le voilà soumis à la vindicte du saint homme!
Pour Elisha, toute la vie tourne autour d'une observation scrupuleuse des dogmes. Par exemple, il n'a jamais voulu apprendre à conduire: dès fois que, poussé par une abominable tentation, il se laisse aller à prendre sa voiture et conduire pendant le Shabbat! Mieux vaut ne pas apprendre à conduire et ne pas avoir de voiture. Au moins, le Diable ne passera pas par là! Viviane se fiche du Shabbat. Elle se contente de préparer une bonne bouffe, point.
Elisha l'a sûrement aimée. Et sûrement, il l'aime encore. A sa façon, comme un très beau meuble. Jamais il ne lui a dit un mot gentil, jamais il ne lui a apporté un bouquet de fleurs, jamais il ne s'est préoccupé de ce qu'elle ressentait. Mais il ne veut pas divorcer, même si il sait qu'elle le hait et d'ailleurs, ils n'ont plus de vie sexuelle depuis belle lurette: c'est sa propriété. Elle lui appartient. Il ne lâchera rien. Il ne se rend pas aux convocations, il fait pour ça quinze jours de prison , mais il ne lâchera rien. le tribunal est excédé, et dans sa partialité, il déclare qu'il ne veut plus voir le couple infernal. Tant pis pour Viviane.
Ce film est formidable, plus haletant qu'un thriller, même si les mêmes scènes se reproduisent, encore et encore.... C'est à voir absolument (on se rend compte que sur ce plan, ils sont pires encore que les musulmans. Un certain nombre de films iraniens nous ont montré des femmes arrachant leur divorce à des mollahs bonasses; ici, les rabbins sont terrifiants
Et en sortant, vous faites une prière: Mon Dieu! Délivre nous des bigots et des intégristes! Et: Vive l'état laïc!