Se rendre dans un cinéma projetant la dernière oeuvre du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul demande en amont une certaine préparation mentale. Heureusement la presse française s'en est largement chargé cette semaine. Passons très vite sur le très mercantile mais sûrement subjectif "plus grand cinéaste au monde" des Inrocks, et imprégnons-nous plutôt des termes rabâchés dans les articles énamourés de Télérama, "béatitude émerveillée, monde onirique, labyrinthe mental " ou de l'obs, " mysticisme hypnotique, conception bouddhique ", autant de termes qui feront fuir les groupies de Jean Reno.
Il faudra donc ouvrir son esprit ( ses chakras ? ) et essayer de se laisser porter par les images et les dialogues du film. Je dis bien "essayer" car "Cemetery of splendor" n'est pas évident à appréhender, la lenteur et les longs plans fixes peuvent conduire très vite à une certaine léthargie le plus appliqué des spectateurs. Les esprits matheux, les amateurs de clips, les fanas d'action, les gourmands d'histoires bien carrées, passez votre chemin sauf si vous êtes curieux et désireux de soutenir le cinéma de création (et généreusement coproduit par la France. Par contre, les adeptes du yoga, de la méditation transcendantale seront à la fête, le bonheur est à portée de regard.
Zut, vous êtes comme moi, à la fois trop cartésien et aimant découvrir un cinéma hors des normes ? Que faire ? Prenez un bon café, respirez bien profondément et aimantez votre regard sur l'écran, l'aventure n'est peut être pas loin.
Il me faut l'avouer, mon emballement a été plutôt de l'ordre d'un chat découvrant dans sa gamelle une portion de petits pois à la place de ses croquettes habituelles. Je ne criais pas au génie en sortant de la salle, même si cela aurait réveillé mon voisin, qui, sans doute totalement hypnotisé, a dormi comme un bébé dès le premier quart d'heure. Et il a eu raison, car, c'est expliqué dans le film, notre métabolisme est ralenti quand on dort et ainsi on vit plus longtemps ! Chanceux spectateur !
Je n'ai pas dormi mais je suis sorti un peu circonspect. Je n'ai pas réussi à me laisser pénétrer par ces images où je percevais bien qu'elles cachaient de sublimes pensées et évocations fantomatiques, ni par ces dialogues étranges qui optaient un certain non sens propre aux rêves. Je n'ai pas su décrypter ces plans de bulldozers soulevant de la terre, symbolisant (dixit Api.... c'est plus court qu'Apitchatpong) à la fois le futur et l'excavation possible de squelettes, donc du passé mais qui auraient tout aussi bien pu être une symbolisation du combat dévastateur mené contre la terre thaïlandaise par les politiques locaux. Les nombreux plans de ventilateurs et de petites turbines m'ont bien renvoyé aux éléments naturels si importants dans la sagesse asiatique, mais que penser de cette sorte de protozoaire dans un ciel nuageux ? Et de cet homme qui défèque longuement dans la forêt ? Et de cet énorme coeur en caoutchouc que l'on extrait de la rivière ?
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