Le réalisateur Alê Abreu expliquee comment lui est venue l'idée du Garçon et du Monde : "Je travaillais au développement de “Canto Latino” (un film documentaire d'animation sur l'histoire du monde latino-américain) en écoutant de la musique protestataire des années 60-70, quand j'ai retrouvé mes carnets de dessins dans lesquels j'avais ébauché le personnage du garçon. Le style “simple gribouillis” que j'avais emprunté pour réaliser ce dessin m'interpella. Immédiatement le désir m'est venu d'intégrer ce garçon dans le film que je préparais. J'ai commencé à créer des petits passages où on le voyait porté par le vent, courir à travers une forêt, partir à la rencontre d'autres personnages. Dans un prémontage, j'ai joint ces petites séquences et cherché à créer des relations entre elles, notamment en expérimentant des sons et des musiques."
Alê Abreu explique pourquoi son dessin animé présente des caractéristiques proches de celles des dessins crayonnés par la main d'un enfant : "Je ne cherchais pas nécessairement à dessiner comme un enfant, mais je cherchais la même liberté qu'ils ont quand ils dessinent."
Une langue imaginaire a été inventée pour les besoins du dessin animé. Il s'agit en fait du portugais qui est prononcé à l'envers. Comme nous explique le réalisateur : "Nous voulions être dans le regard de l'enfant, être à la fois universels et latinoaméricains. Ce regard nous a permis une immense liberté de création : nous avons imaginé un autre pays, une autre planète et nous avons inventé des dialogues."
Alê Abreu et son équipe ont eu recours à plusieurs techniques : crayons de couleurs, pastels à l'huile, feutres hydrographiques et toutes sortes de peintures. Ils ont également utilisé des stylos à bille. Concernant les fonds et autres graphismes, ils ont intégré des collages de journaux et revues.
Un dessin nécessite dans un premier temps un support vierge, blanc. "Le blanc, commente Alê Abreu, c'est comme un enfant qui arrive au monde et qui commence à apprendre et accumuler des savoirs. Le blanc est également un symbole métaphysique. Sa présence quasi spirituelle tout au long du film renforce l'idée que le monde est une chose très petite et limitée. Nous sommes entourés d'inconnu ou de vide, et cela nous tiraille et nous questionne : d'où venons-nous ? Où allons-nous ?" C'est pourquoi le début du Garçon et le Monde est rythmé par le flux et le reflux du vide et du plein.
Cent cinquante professionnels du cinéma dont vingt animateurs, ont été nécessaires à l'élaboration de ce dessin animé. Alê Abreu a, quant à lui, dessiné toutes les animations et les décors.
Le Garçon et le Monde a nécessité cinq ans de travail. Un an et demi de développement pour esquisser les jalons de l'histoire et les personnages, finaliser les décors, les dessins et les graphismes. Puis l'addition des couleurs et la mise en mouvement des éléments. Et enfin trois ans de production et six mois pour la préparation de la sortie du film.
Dans Le Garçon et le Monde, la musique orchestre tout. Elle impose son rythme dans les séquences et dans la construction de certaines scènes. "Nous avons traité la bande son du film comme un corps sonore, où musiques, ambiances et sons se mélangent et brisent les limites que nous rencontrons traditionnellement dans les films. Nous avons d'abord cherché la mélodie de la flûte qui ouvre et conclut le film. Tous les autres thèmes ont été créés à partir de ces quelques notes. Nous désirions que la création musicale, à l'image de l'animation, croise plusieurs rythmes et styles musicaux", explique Alê Abreu.
Alê Abreu a confié la direction de la création musicale à Ruben Feffer et Gustavo Kurlat, avec qui il avait déjà collaboré sur Garoto cosmico.
Alê Abreu a fait appel à l'un des plus grands percussionnistes du monde musical, Nana Vasconcelos, qui a à son actif huit Grammy Awards. "Sa musique m'a toujours guidé et me stimulait dans la recherche de nouvelles voix dans mon travail graphique et cinématographique." confie le réalisateur.
Le projet artistique du Garçon et le Monde se voit compléter par le groupe de musiciens GEM, qui joue avec des objets récupérés, des déchets. Pour le film, le groupe s'est occupé des bruitages, des ambiances et des sons. De même les Barbatuques qui est un groupe de percussions corporelles a participé à la bande originale du film, comme nous l'explique Alê Abreu : "(...) le désir de collaborer avec les Barbatuques est apparu dès les premières scènes de l'animatique. Esthétiquement, la percussion corporelle est en adéquation avec tout ce qu'il y a d'organique dans le film. Les Barbatuques ont également fait les choeurs des voix et l'un des membres du groupe, Lua Horta, a interprété la voix de la mère."
Le rap du Garçon et le Monde est interprété par Emicida, la révélation brésilienne montante. Son rap qui est mélancolique et contestataire correspondait parfaitement au projet : "Les musiques de protestation sont à l'origine du film et nous avons trouvé que le rap occupait aujourd'hui cette place. Et puis nous avons découvert que l'histoire du chanteur était en lien avec celle du Garçon", Souligne le réalisateur.