C’est marrant, mais ce film a réussi l’exploit de me laisser à la fois perplexe, à la fois agacé, tout en parvenant malgré tout à me séduire quand même… Etrange expérience ! Pourquoi ai-je été perplexe me demanderiez-vous ? Tout simplement parce que, déjà, je ne vois pas très bien à quel type de public ce film s’adresse. D’un côté, il est pour moi difficile de considérer qu’il s’adresse à de jeunes enfants comme pourrait le laisser supposer ses choix graphiques. Ce dessin-animé est beaucoup trop austère, aussi bien au niveau de la narration que du discours tenu, pour vraiment parler aux plus jeunes. Ça ne parle jamais, les phases de contemplations sont légions et quand l’intrigue avance, son déroulement est souvent obscur. Mais bon, d’un autre côté, j’ai du mal aussi à considérer que ce film s’adresse dans ce cas à un public adulte. Pour le coup, l’intrigue est trop pauvre, le rythme trop plat et le propos bien trop caricatural. Au bout d’un moment, je me suis donc demandé à qui s’adressait vraiment ce film. Alors je me suis retourné dans la salle et c’est alors que j’ai compris, et qu’est venue en moi la phase d’agacement. Ce film ne s’adresse ni aux enfants, ni aux adultes, il s’adresse aux adultes qui veulent que leurs enfants se nourrissent dès le plus jeune âge de spectacles altermondialistes, loin des divertissements populaires de la plèbe. Parce que oui, quand dans la salle j’entendais un gosse qui demandait au parent qui l'accompagnait ce que signifiait la scène à laquelle il venait d’assister sans rien y comprendre (ce qui arrivait à peu près toutes les trois minutes), le parent se faisait alors une joie de lui expliquer comment ce petit enfant innocent qui vivait dans une belle nature rousseauiste s’est vu soudainement opprimé par un monde de vilains capitalistes qui exploitent le prolétariat, imposent leur méchante dictature militaire et surtout détruisent la Terre pour on ne sait quelle raison. C’est pour cela que le héros de l’Histoire espère qu’un jour, une nouvelle armée de joueurs de djembés se reconstituera pour lutter contre ces vilains méchants. En gros, si je résume, pour moi ce film, c’est « apprendre Porto Alegre pour les plus petits ». Personnellement, je trouve ça aussi caricatural et doctrinal qu’un Disney, sauf qu’à cela ce film rajoute une jolie dépression à la clef pour les gosses qui le voient. Parce que oui, je n’ose imaginer comment un gamin peut réagir face à cette conclusion « valse-avec-bachirienne ». Franchement, à part se dire « le monde est triste, l’humanité c’est moche » je ne vois pas comment on peut réagir positivement face à ça… Bref, oui, je l’avoue, ce type de démarche, ça m’agace fortement, voire ça m’horripile. Et pourtant… Malgré ça… Malgré le fait que le propos caricatural du film me sorte par les yeux ; malgré aussi le fait que le récit soit finalement bien pauvre pour un adulte comme moi, je ne peux pas m’empêcher d’avoir été séduit. Parce que bon : c’est quand même vachement beau, il faut bien se l’avouer. C’est minimaliste, mais qu’est-ce que c’est expressif et inventif. Eh plus, au-delà de ça, il y a quand même une manière de raconter assez judicieuse qui transforme progressivement ce film en conte assez poétique qui parvient à transmettre une certaine émotion. Même s’il faudra huit heures pour expliquer à un gamin ce que raconte vraiment ce film concernant l’histoire du petit garçon, c’est assez agréable pour qui est lassé des narrations classiques. Donc vous voilà informés. Vous savez à quoi vous en tenir. Personnellement, même si j’ai beaucoup de reproches à lui faire ce film, je dois bien reconnaitre que je suis content de l’avoir vu. Au moins a-t-il ce mérite d’être unique et de laisser une marque qui lui est propre. Rien que pour cela, si vous êtes un audacieux du cinéma, ce « Garçon et le monde » peut valoir le détour… Mais pitié pour eux, épargnez vos petits chérubins et allez y seuls !