Un homme de 26 ans est passionné de littérature. Pour être plus précis, il aime écrire et rêve de gloire. Un espoir viscéral si grand qu’il a bien du mal à accepter l’échec. Quitte à se mettre pour ainsi dire à genou pour qu’on daigne lui donner une petite chance. En attendant, il faut vivre. Alors il travaille comme déménageur au sein de l’entreprise de son oncle. C’est justement ce boulot qui va changer sa vie pour la faire basculer dans ses rêves les plus fous. Cet homme s’appelle Mathieu Vasseur, incarné par un Pierre Niney récemment auréolé de son César de meilleur acteur à l’occasion de son rôle-titre dans "Yves Saint-Laurent". Ni une ni deux, le co-scénariste et réalisateur Yann Gozlan nous embarque dans une course effrénée dans le désespoir, menée pied au plancher. Sans être convaincante dans la gestuelle par rapport à la sinuosité de la route empruntée, le spectateur comprend aisément que cette scène ne marque pas le début du film. Comme bien d’autres films, est-ce la séquence finale ? La suite nous apprendra que non. Toujours est-il qu’à la lecture du pitch, je ne m’attendais pas du tout à ce genre de film, surtout quand un long métrage bat pavillon français. Le cinéma hexagonal a souvent de bonnes idées de départ, mais la mise en œuvre laisse souvent à désirer, se tournant souvent vers le pathos pour essayer de jouer sur la sensiblerie. Là non. On a un vrai film de genre, un thriller mené de main de maître. Il y a bien quelques défauts, mais si j’ose dire qu’il est mené de main de maître, c’est parce qu’il est bien trop rare qu’un thriller moderne à la française captive autant le spectateur dans une tension permanente pour atteindre des sommets superbes. Bien que la première suite des événements est assez prévisible suite à l’appropriation d’un journal de guerre d’un appelé en Algérie décédé (ben oui, le pauvre soldat n’a peut-être pas de famille mais ne vivait sûrement pas comme un ermite et devait avoir des relations amicales avec quelques menues personnes), l’autre suite prend des tournures inattendues, surtout la fin. Toujours est-il que le film est suffisamment rondement mené pour que le spectateur soit tenu en haleine jusqu’au clap de fin. La partition de Cyrille Aufort y est pour beaucoup, soulignant avec justesse les moments forts relatifs au personnage principal. Ce dernier est très bien écrit, le talent de Niney complétant cette qualité d’écriture pour rendre la description la plus réaliste possible : un homme enfermé dans un mensonge et un train de vie dû à un succès usurpé, en proie à un stress sans cesse grandissant pour devenir permanent au point de le hanter jusque dans ses nuits. Alors bien sûr, il y aura des mécontents parmi le public. Et à ce que j’ai pu en lire ici et là, il semble bien que ce soit le cas. Certains dénoncent une pâle copie de "The words", sorti deux ans plus tôt. Qu’on se le dise, il s’agit là d’une adaptation très libre. Ensuite il y a les éternels insatisfaits, notamment au niveau de la presse, dont une décrit "Un homme idéal" comme un jeu aux huit invraisemblances (https://www.telerama.fr/cinema/un-homme-ideal-au-jeu-des-huit-invraisemblances,124431.php). Sur le fond, le ou la journaliste en question n’a pas tout à fait tort (du moins en partie), et je ne parle pas des commentaires figurant en bas de page, mais a-t-il (elle) tenu compte seulement de la psychologie humaine ? Dans la situation de Mathieu, qui serait capable de garder la tête froide et de réfléchir aux moindres détails, alors qu’il se voit dans l’obligation d’agir à l’instant T la plupart du temps ? Moi je dis que les faiblesses du scénario (si on peut appeler ça ainsi) s’effacent automatiquement grâce à une atmosphère de plus en plus pesante qui fait écho à cette pression de plus en plus intenable subie par le personnage principal. Il est vrai qu’Alice Fursac (Ana Girardot) réagit tardivement à la transformation de son compagnon. Beaucoup d’autres femmes auraient cherché à savoir. Mais ma vision de la psychologie humaine me fait dire qu’elle a mis ça sur le compte d’un livre qui décidément ne vient pas, symbolisé par le célèbre syndrome de la page blanche. Comme cela a été souligné, après avoir connu le succès, c’est souvent le deuxième qui est le plus difficile. En prime on peut dire de façon unanime que devenir numéro un est assez facile (avec somme toute un facteur chance) quel que soit le domaine, le plus dur est d’y rester. En ce qui me concerne, je valide la réussite de ce film par un 8/10, un point ayant été retiré par la séquence du début et que j’ai expliqué plus haut, l’autre ayant été enlevé par un titre que décidément je ne parviens pas à comprendre.