Le résumé du film laisse entrevoir un polar social pas très drôle, pas très optimiste, voire même un peu plombant. Et c’est exactement ce qu’est le dernier film de Pierre Jolivet. En même temps, Pierre Jolivet sait faire ce genre de drame social, il sait mettre ses personnages dans des situations de choix ambigüs, comme il l’avait fait avec « Force Majeure » ou « Ma petite entreprise » pour ne citer que ces deux là. Choisir la facilité ou choisir la difficulté, choisir la morale ou l’amoral, c’est dans ce dilemme que Pierre Jolivet plonge Olivier Gourmet. Alors oui, Olivier Gourmet est parfait dans ce rôle d’homme discret, écrasé par une vie sans perspective, légèrement réfractaire à l’autorité (à cause de son passé douloureux de syndicaliste sans doute), qui décide un jour de sortir de sa passivité et qui décrète que « Jamais de la vie » il ne laissera les enfoirés réussir leur coup. Olivier Gourmet est souvent parfait dans ses films, et là il est fort bien entouré par Marc Zynga et gardien de jour et Valérie Bonneton, très touchante en conseillère d’insertion elle-même au bord de la rupture sociale. Plus surprenant, dans un rôle plus discret, Bénabar incarne un petit chef bien propre sur lui, bien coiffé, la raie du le côté, et réussi à en faire un type vaguement inquiétant, dont on arrivera jamais à deviner ce qu’il sait ou ce qu’il ignore et de quel côté il est… C’est très bien réalisé, avec beaucoup de sobriété, même avec une certaine sécheresse parfois : les scènes de nuits dans le centre commercial désert sont filmées sans musique, le temps est toujours plus ou moins plombé quand il ne pleut pas des cordes, les décors de cité sont très déprimants, et je ne parle même pas du petit appartement de Franck qui est encore plus déprimant que tout le reste réuni ! On peut éventuellement faire ce petit reproche à Marc Jolivet, son scénario se suffisait à lui-même et il n’était peut-être pas obligé d’en faire autant sur l’habillage : montrer la détresse sociale, certes, mais il pouvait choisir de la montrer sans l’accompagner de cette démonstration visuelle très appuyée. Son scénario, justement, parlons-en. Il est cohérent et parfaitement tenu, le film est prenant dés les premières minutes et jusque dans la dernière image. On comprend vite ce qui se trame, et en même temps ce n’est pas bien original, même si on a du mal à déterminer à quel moment précis Franck décide qu’il interviendra. Ses soupçons se confirment vite mais je pense que c’est seulement quand il sera confronté à la violence que son choix sera fait. Je peux me tromper mais je pense qu’avant, il est mû par la curiosité mais qu’il n’est pas forcément décidé à y mettre les pieds, il hésite peut-être encore. Son côté réfractaire à la Police, à l’autorité, me laisse penser que, peut-être, au début de son enquête, il n’est pas décidé à empêcher le forfait mais qu’il change d’avis dans la salle d’attente des Urgences. En même temps, deviner ce qui se trame dans la tête d’Olivier Gourmet, ce n’est pas facile car il est assez insondable ! La preuve, je n’ai pas compris, toute la scène à Paris dans le restaurant chic où il claque probablement la moitié de son salaire : un baroud d’honneur avant de sauter le pas ? Une parenthèse chez les riches pour voir comment çà fait ? On n’en saura rien mais cette scène un peu décalée laisse une impression étrange, pas très agréable. Quant à la fin, elle est prévisible et un poil décevante. On peut comprendre les tous derniers actes de Franck avant le générique de fin, on peut éventuellement les considérer comme légitimes mais cette fin très sèche (à l’image de tout le film) laisse le spectateur un peu désemparé et un poil frustré quand la lumière se rallume. Mais à bien y réfléchir, Pierre Jolivet pouvait difficilement choisir une autre fin pour cet homme si entier et si idéaliste. Ce sont deux qualités très précieuses, assez rares parce que, dans le monde d’aujourd’hui, elles ne « payent » pas…