Entre les arguments fantastiques de l’Orphelinat et l’humanité mise à mal de The Impossible, Juan Antonio Bayona livre une adaptation respectueuse de A Monster Calls, ou Quelques minutes après minuit. Cinéaste doué d’un certain sens du spectacle, de l’émotionnel, l’espagnol parvient à émouvoir, ici, avec un pamphlet sensible sur le deuil, la culpabilité qui en découle. L’enfant confronté à la mort imminente de l’être le plus proche qui soit, la thématique ne se veut pas foncièrement optimiste, avouons-le. L’enfant en question se réfugie donc dans ses songes, ses rêves, pour appréhender, pour apprendre à appréhender, la perte qui viendra inévitablement. Entre espoir et acceptation, entre optimisme naïf et résolutions matures, le petit Connor, dans son monde fantastique à lui tout comme dans la terrible réalité, se confronte au deuil comme des millions d’entre nous, comme nous tous, à vrai dire.
Sensible, soit, le film n’en demeure pas moins une grosse machine hollywoodienne, un long-métrage douloureux vendu comme un film fantastique dans la veine du récent Spielberg, le BGG. Il n’y aurait-il pas ici tromperie sur le matériel? Peu importe, en ce qui me concerne. Mais gageons qu’un public non-averti du contenu trouvera à redire sur l’aspect larmoyant du film proposé. Juan Antonio Bayona, quant à lui, démontre une fois encore qu’il est un artiste à l’aise dans le domaine du numérique, nous livrant quelques séquences bien torchées. Si son arbre-monstre ressemble à une version végétalisée d’un quelconque Transformers, qu’importe. Les images rendent remarquablement bien, l’esthétisme du fameux monstre étant à salué.
Coté casting, Felicity Jones se confronte à devoir jouer une malade en fin de vie, rôle délicat qu’elle parvient habilement à négocier. Sigourney Weaver, plus effacée, sort finalement de l’ombre lorsque l’émotion l’emporte. Pour ce qui est du petit, indéniablement le rôle principal, évidemment, le jeune Lewis MacDougall fait le boulot, entre naïveté et détermination de son personnage. Liam Neeson, quant à lui, l’incarnation de la bête, nous fait l’offrande d’une voix-off langoureuse, simplement.
Un film délicat, sensible, toujours ce même ressenti, un brin pathos, poétique. En somme, un film plutôt réussi. Une nouvelle réussite, à vrai dire, dans la filmographie de Juan Antonio Bayona. Le réalisateur, tout le monde le sait, prendra en route le train Jurassic World, livrant prochainement le deuxième volet de la franchise qui reboot le classique de Steven Spielberg. Si le cinéaste espagnol est sans nul doute l’homme de ce type de situation, la tâche ne sera pas aisée de succéder au fiasco de Colin Trevorrow. Une carrière à suivre, oui, mais qui pourrait se voir entâchée par la réalisation d’un gros film de commande sans saveur. 12/20