Franchement, ce « West Side Story » n’est ni meilleur ni moins décevant que la première version de Robert Wise et Jerome Robbins.
Si j’avais vu celui de Spielberg en premier, aurais-je tenu le même discours ?
Impossible à dire.
Les deux sont de très bonnes factures… quoique…
Un remake ? certainement pas.
Un reboot ? encore moins.
Un hommage ? plutôt un rêve enfin réalisé par Steven Spielberg.
« Morse » version U.S était une déception dans la mesure où c’était un copier-plaqué de la version suédoise. Aucune originalité, aucune vision personnelle artistique, aucun intérêt. A part faire du profit.
Idem pour « Millenium ».
Ce pourrait être un « West Side Story » à l’identique, ce n’est pas tout à fait le cas car si je chipote bien, il y a quelques nuances dans sa démarche artistique, dans son exigence en matière de casting.
Je commence par le casting : Steven Spielberg a tenu à avoir des acteurs latino pour les Sharks, contrairement à Robert Wise qui jouait la carte très hollywoodienne en offrant le rôle de Maria à Natalie Wood, actrice blanche.
Toute la bande des Sharks est latino chez Spielberg.
Son « West Side Story » est beaucoup plus réaliste. Par conséquent la représentation culturelle et sociale évoquent bien plus une actualité brûlante.
La version de 1961, même si les acteurs n’étaient pas tous latino-américains, les propos abordés, la discrimination, la guerre des gangs, devaient aussi questionner l’Amérique.
Peu importe la forme, le fond demeure malheureusement le même, rien ne change entre 1961 et 2021 !
Si on ajoute Iris Menas, acteur (rice) non binaire sous les traits de Anybodys, Steven Spielberg inscrit pleinement son film dans notre actualité présente. Son « West Side Story » traduit une réalité de notre monde où toutes les différences sont représentées. Il n’a pas eu besoin de transposer son « West Side Story » dans les années 2000.
A bien y regarder, « Anybodys » signifie personne.
« Garçon manqué », je ne suis pas sûr. Sans doute que Sondheim, le parolier avait une autre interprétation de « Anybodys », bien plus puissante que garçon manqué : " impossibilité de définir".
En son temps, ce devait être tabou, inimaginable.
Entre une communauté entièrement latino et un personnage non binaire, ce « West Side Story » prend un coup de jeune, c’est un film moderne qui parle à nos sociétés d’aujourd’hui à l’exception de quelques pays, les mêmes, qui sont dans le déni et qui continuent à encenser l’obscurantisme !
Dans sa démarche artistique, il a tenu à réaliser son film en décors réels contrairement à Robert Wise qui tournait aussi en studio. On peut dire qu’il dépoussière le mythe.
Dans sa démarche artistique, il a fait appel à Justin Peck pour assurer une nouvelle chorégraphie. Franchement, je ne suis pas assez affûté pour savoir si celle-ci est plus d’actualité que celle de Jerome Robbins. Tant que j’en ai plein les yeux, cela me comble. Et je le suis pour 1961 et 2021.
Dans sa vision artistique, la chanson « Cool» me paraît plus appropriée chez Spielberg. La chanson est assurée par Tony contrairement à Robert Wise
puisque Tony dans la version 1961 venait de perdre la vie. Ici, Tony s’emploie à empêcher Riff de se rendre à la bagarre du soir muni d’un revolver.
Par contre, sa démarche artistique est par moments un tantinet appuyée. J’ai relevé trois exemples.
Tony emmène Maria dans un ancien monastère transformé en musée. Le musée n’est qu’une information, le monastère retrouve sa charge religieuse sous la lumière de Spielberg.
Contrairement à Robert Wise, Tony a un passé douloureux,
il a fait de la prison pour s’être acharné sur un jeune qu’il a failli tuer.
Ici, le monastère est propice à la confession, puisque Tony profite de ce lieu pour se confesser à Maria.
Dans ce même monastère, Maria et Tony vont s’unir spirituellement.
Robert Wise en avait fait un moment plus léger, plus conforme au genre comédie musicale ; Tony s’était rendu dans la boutique de couture où travaillait Maria et tous deux s’étaient amusés avec tous les éléments à leur disposition : mannequins, tissus et chapeau.
Ici, le lieu qu’est le monastère, et plus particulièrement dans une chapelle où reposaient des gisants, le mariage simulé était plus solennel. Trop sérieux à mon goût.
Bref, le monastère perd sa fonction de musée pour récupérer son symbole religieux.
Enfin, l’ultime séquence : la caméra en travelling aérien suit les escaliers d’un immeuble pendant que Chino est accompagné de Valentina (Rita Moreno). La caméra s’arrête devant les barreaux d’un balcon.
Les barreaux du balcon traduisent ceux de la prison promise à Chino où celui-ci est récupéré par la police.
D’accord, Spielberg donne un coup de jeune à « West Side Story » en restant fidèle à l’oeuvre, d’accord, il apporte quelques nuances mais en rien il dénature l’oeuvre originale, mais selon moi, ça manque de magie, à défaut de grâce.
Je préfère de loin la version de Robert Wise concernant la scène de bal où Tony et Maria se découvrent pour la première fois (voir ma réflexion sur ladite version) ; Spielberg encore une fois opte pour plus de réalisme. Etonnant pour un réalisateur à l’imagination débordante.
Oui, oui, il veut que son « West Side Story » soit plus rugueux que la version 1961, que tous les plans parlent à nos sociétés, soient plus réalistes car le sujet est relativement plombant.
Comment veut-il être léger dans la mesure où il y ajoute la solennité du monastère transformé en musée ?!
Son « West Side Story » est une comédie dramatique musicale. Il n’y aucune parenthèse enchantée contrairement à Robert Wise et Jerome Robbins. Pourtant il y avait de la violence et physique et verbale.
Son « West Side Story » traduit le malaise, la psychose, le pessimisme, la morosité de nos sociétés.
En tous les cas, j’ai bien apprécié les prestations d'Ansel Elgort (Tony) et de Rachel Zielgler (Maria) même s’ils étaient moins solaires que Richard Beymer et Natalie Wood.
A voir en V.O si possible.