Quel bonheur d'avoir la chance de voir cet immense oeuvre et par les temps qui courent, on était en droit de perdre foie au cinéma surtout quand pullulent chaque semaine les sorties sur le petit et grand écran sans qu'aucun film n'arrive réellement à se demarquer ou à surprendre comme le fait ce West Side Story et il l'est d'autant plus surprenant que le film n'est pas un œuvre originale puisqu'il se repose entièrement sur une trame musicale ultra populaire imaginés déjà par 4 génies (que sont Leonard Bernstein pour la partition musicale, Stephen Sondheim pour les paroles, Arthur Laurents pour le livret et Jerome Robbins pour la chorégraphie et la mise en scène et un 5em, Shakespeare pour ne pas l'oublier pour l'idée de base par rapport à sa pièce "Roméo et Juliette"), autant dire que comme beaucoup de monde, on pouvait se demander ce que Spielberg pouvait apporter de plus tant les chemins étaient balisés aussi bien au niveau musicale que narratif par rapport à l'histoire.
Après avoir vu le film, je crois qu'on ne peut plus douter du génie de Spielberg, aidé ici par toute l'équipe technique qui se sont tous surpassés et le résultat est visible dès les premières minutes du film.
Il y dégage une espèce d'aura d'authenticité des films de la fin de l'age d'or des années 60 du cinéma hollywoodien dès les premiers instants et en même temps, il y'a cette souffle évidente de modernité dans sa mise en scène, à l'images de l'ouverture en plan séquence qui survole les paysages ravagés par la demolition des bâtiments jusqu'à qu'un des Jets sorte du paysage (qui fait écho au refuge de Wade dans Ready Player One). Le grammaire et le langage cinématographique est exploité à merveille, en resulte des images souvent chargés de sens, de ces scènes de transitions dont Spielberg s'en est fait une marque de fabrique( les plus évidents qui me viennent à l'esprit tout de suite sont le Tintin, Cheval de Guerre, Le Monde Perdu, La Liste de Schindler...) parmi tant d'autres effets de styles tels que les jeux d'ombres ou de miroirs dont il se sert uniquement pour faire avancer le récit de manière narrative et pas gratuitement juste pour faire joli, et le terme "joli" est un doux euphémisme tant le film regorge de plans magnifiques, c'est simplement beau à en pleurer, le travail de la photo est sans conteste le plus esthétique, coloré et vivant de ce que la collaboration de Janusz Kaminski et Spielberg nous ont offert depuis leur début ensemble avec "La Liste de Schindler".
Rien que la scène d'ouverture qui était déjà très iconique dans le film de Robert Wise, ici prend une toute autre dimension, on comprend plus sur le background et les motivations des 2 clans grâce à quelques plans uniquement dans sa narration visuelle.
Alors certes, ici le film va gagner plus en authenticité, là ou il va certainement "un peu" perdre peut-être en poésie si l'on compare frontalement à l'œuvre de Robert Wise où il y'a beaucoup de scènes très oniriques et presque abstraites qui justement s'accordent parfaitement au côté un peu figé et théâtrale de l'idée que l'on se fait des pièces joués sur scène. Prenons exemple comme lors de la chanson de "Maria" ou bien la scène de la rencontre/coup de foudre entre Maria et Tony, Spielberg réussit l'exploit de le rendre plus plus réaliste tout en injectant quelques effets de style de manière à garder une certaine poésie visuelle sans tomber dans l'onirisme visuelle et théâtrale de la version de 1961 pour bien souligner la différence, tout comme dans les scènes d'affrontements bien que tout soient comme des danses millimétrés, celui de Spielberg est plus brutale et violent, le sang est présent tandis que l'ancienne version, les personnages s'affrontent sans réellement se toucher soulignant le côté purement théâtrale d'une comédie musicale.
Pour en revenir à la mise en scène, ici, tout est forcément plus aérien, plus ouvert à l'image du morceau "America" et l'on pouvait se questionner si on pouvait faire mieux que cette scène devenue iconique des Sharks dansant de nuit sur le toit de l'immeuble et le résultat n'éclipse pas l'original mais se démarque totalement en prenant le contre-pied de le situer de jouer et d'en faire un numéro non plus ancré dans un seul et même lieu qu'était le toit mais de le faire avancer au fil de la chanson de l'appartement intérieure jusque dans les rues ensoleillées de l'Upper West Side de New York à l'image du récent "In The Heights" dans une démonstration de chorégraphie qui n'a absolument pas à rougir avec la version précédente et je pense que beaucoup de personnes qui n'ont pas connu l'ancienne version, préféreront certainement cette version à l'image du film tout en entier d'ailleurs porté par un ensemble de casting absolument parfait, à commencer par l'inconnue Rachel Zegler à qui le rôle de Maria est taillé sur mesure, Ansel Elgort qui chante pour de vrai ici et interprète Tony de manière beaucoup plus juste que Richard Beymer, le Tony de la version 1961, même si on peut trouver son jeu moins exubérant par rapport à ses partenaires, c'est que le rôle est simplement le moins intéressant ou le moins bien écrit à la base car il est le Roméo et malgré les subtiles changements et apports scénaristique, je ne pense pas que Tony Kushner le scénariste et Steven Spielberg ont osé franchir le grand pas au point de trop s'éloigner du matériau de base. Sur ce constat, je dois dire que le plus impressionnant, dans les interprétations reviennent aux second rôles que sont Mike Faist en Riff, bien plus convaincant en Riff que ne l'était Russ Tamblyn et David Alvarez en Bernado qui ont su se démarquer en donnant bien plus d'épaisseurs aux personnages dans leurs interprétations que l'ancienne version. Et que dire d'Ariana DeBose, qui mérite plus que tout autre, son oscar d'interprétation dans un second rôle tant elle donne tout en caractère aussi au chant, au danse que dans l'interprétation tout en nuances d'Anita, ce qui était déjà le cas de Rita Moreno( l'ancienne Anita de la version 1961), qui revient 60 plus tard non pas dans un caméo mais dans un vrai rôle qui prend ici tout son sens et pour apporter plus d'émotions sans pour autant dénaturer l'histoire de base.
Il y'a eu de changements notables sur certains morceaux tels que "Gee Officer Krupke! en mieux et surtout "Cool" qui changement radicalement le sens par rapport à la version de Robert Wise.
Le seul point un peu négative du film viendrait du placement de la chanson "I Feel Pretty!" juste après à un moment dramatique du film, ce qui adoucit anomarlement le ton du film mais j'imagine que c'est pour mieux souligner le contraste de la joie à la détresse de Maria de manière ironique.
Pour conclure, je dirai que cette version surpasse quasiment en tout points la version déjà magnifique de 1961 et même si j'adore l'ancienne version au point que la musique de Bernstein et les paroles des chansons me hantent depuis toujours.
Avec cette nouvelle version que j'ai instantanément envie de le revoir, pas seulement pour réécouter la musique de Bernstein mais aussi pour le chef d'œuvre instantané et intemporel qu'est simplement ce West Side Story 2.0 signé Spielberg avec sa maîtrise visuelle insensé qui va vous estomaquer à coup sûr pour peu que vous aimez le CINÉMA au majuscule et le film fera certainement cas d'école tellement il y'a matière à décortiquer pour comprendre la mise en scène.