Fan du film de Robert Wise et Jerome Robbins (qui figure aisément dans mon Top des comédies musicales), l'idée que l'un de mes réalisateurs favoris se lance à son tour dans une nouvelle version de l'un des classiques de Broadway titillait ma curiosité, d'autant qu'il s'agissait là de sa toute première comédie musicale.
60 ans après la première adaptation cinématographique, Spielberg nous propose donc une sorte de "remise à jour" de ce Roméo et Juliette des temps modernes, à l'histoire aussi touchante que tragique.
À la fois adaptation fidèle et relecture plus contemporaine du show de 1957, «West Side Story» permet, encore une fois, à Spielberg de prouver (en a-t-il encore besoin ?) toute l'étendue de son talent de conteur et de metteur en scène. Et quelle mise en scène ! Dynamique et virevoltante, accompagnée de chorégraphies déchaînées et d'un travail de la couleur et de la lumière exemplaire (signé par le toujours fidèle Janusz Kaminski), elle est une nouvelle claque visuelle de laquelle on se délecte à quasiment chaque plan.
Au côté plus opératique du film de 1961, Spielberg vient, lui, apposer un côté plus physique, plus brut dans sa réalisation, notamment à travers l'utilisation d'une caméra à l'épaule. En collant souvent au plus près des corps et des visages en mouvement, il veut cerner au mieux la guerre qui s'opère entre les Jets et les Sharks et leur cycle perpétuel de la violence.
À travers leur territoire (et leur héritage) qu'ils veulent défendre coûte-que-coûte, c'est l'histoire de deux camps qui ne s'écoutent pas, qui ne se comprennent pas (Spielberg pousse encore davantage ce ressenti en ne sous-titrant pas les séquences jouées en espagnol, comme pour créer ce fossé avec l'autre), mais ne sont pas si différents l'un de l'autre. Malheureusement, l'histoire d'amour instantané entre Tony (ex-Jets) et Maria (sœur du leader des Sharks) va définitivement mettre le feu aux poudres et faire connaître une issue fatale à nos protagonistes.
Malgré une fin un peu abrupte et pas aussi marquante que celle de la version de 1961 et quelques détails narratifs/musicaux qui interrogent, Spielberg nous offre clairement un nouveau morceau de cinéma généreux et communicatif, entre chaos et harmonie, visuellement étincelant et haut en couleurs. Séparées par 60 ans d'existence, deux versions qui s'accordent tout en s'éloignant l'une de l'autre, qui peuvent se voir ensemble comme séparé.
Même si la version de 1961 restera toujours un peu supérieure à mes yeux (l'effet de la découverte sans doute), ce «West Side Story» à la sauce 2021 est un petit régal cinématographique à ne pas louper sur grand écran...à condition d'accrocher au genre de la comédie musicale bien sûr.