"Gangs of New York !"
Virtuose autant dans les chorégraphies - danses et chants confondus - dans la reconstitution d’époque, que dans les confrontations violentes, ce “West Side Story” 2021 est le pendant moderne et intrinsèquement désespéré du film original de Robert Wise et Jérome Robbins de 1961, lui-même adapté au cinéma d’après la comédie musicale créée à Broadway en 1957. Ancré dans les années cinquante comme ses illustres prédécesseurs, le long-métrage de Steven Spielberg résonne pourtant des maux de nos sociétés modernes (la pauvreté, le communautarisme, la gentrification et même l’homophobie y sont traités avec finesse), en évoquant au milieu d’un quartier en pleine réhabilitation, la confrontation entre la bande des Jets, jeunes gens d’origine européenne et les Sharks, jeunes gens d’origine portoricaine. Entre les immeubles en ruines et les gravats amoncelés ici et là, se jouent les dernières heures, non seulement d’une guerre des clans à la sauce Shakespearienne, mais aussi de tout un microcosme urbain qui va disparaître au nom d’une modernisation mortifère. C’est dans ce décorum à l’aura de théâtre Antique qu’Anton “Tony”, l’ancien Jets (Ansel Elgort) tombe amoureux de Maria (Rachel Zegler), la sœur de Bernardo (David Alvarez), le chef des Sharks. Une idylle magnifiquement tragique vient de naître… Scénarisé par Tony Kushner (“Munich”, “Lincoln”), “West Side Story” 2021 revêt les oripeaux de la comédie musicale de Broadway en reprenant plus ou moins la chronologie des numéros musicaux. Accompagné par les standards “Maria”, “America” avec l’éblouissante Ariana DeBose ou encore “I Feel Pretty” du grand Leonard Bernstein et Stephen Sondheim arrangé pour l’occasion par David Newman, Steven Spielberg se mesure à un classique du genre, sans jamais tomber dans la facilité du remake. Cette relecture moderne par son propos plonge une fois encore le spectateur dans les contradictions de l’Amérique d’hier, mais plus encore d’aujourd’hui. Certains y verront une inutile version au révisionnisme exacerbé, d’autres, l'exercice de style qui manquait à Steven Spielberg. Pour ma part “West Side Story” 2021 est l’hommage d’un cinéaste à ses aînés, voire à ses modèles !