Moi aussi, ma première idée à été « Mais pourquoi faire un remake de « West Side Story ? », mais à y réfléchir un peu… et pourquoi pas ? Cette comédie musicale de 1957 n’appartient pas à Robert Wise, quand bien même il en a fait un chef d’œuvre du grand écran. L’histoire est intemporelle, presque universelle, et même sacrément moderne d’un certain point de vue. Alors, c’est sans arrière pensée d’aucune sorte que je suis allée voir le « West Side Story » de Steven Spielberg. La première chose à dire sur sa version, c’est qu’il respecte profondément l’œuvre initiale. Il aurait pu en faire une version bien à lui, à une autre époque, dans un autre endroit, mettant en scène des enjeux différents. Or non, il reste sur les fondamentaux de l’histoire initiale. Mieux, il prend plusieurs décisions pour coller davantage au sujet. Il offre les rôles de latinos à des acteurs latinos, il fait chanter ses comédiens (sauf erreur de ma part ils ne sont pas doublés) et, sans doute le plus déconcertant : il refuse de sous-titrer les dialogues en espagnol. Affin de mettre le public en cœur de la rivalité ethnique, il nous laisse nous débrouiller avec ce défi linguistique. Je m’empresse de dire que, hispanophone ou pas, ça ne pose aucun problème de compréhension et que cela rend au contraire très tangible, très concret et presque palpable, l’affrontement culturel auquel on assiste. A l’image d’une scène d’ouverture sublime, pour les yeux comme pour les oreilles ce film est un pur bonheur de cinéma. Les musiques sont modernisées mais totalement respectées, les chorégraphies donnent la chair de poule, elles sont impressionnantes. Les chansons les plus connues (« Maria », « Tonight », « America »…) filent des frissons de plaisir. Les décors sont très réussis et ne font pas du tout « carton pâte », les costumes sont parfaits, la photographie impeccable. Je sais que j’enfonce une porte ouverte mais Spielberg a sacrément soigné son film, que ce soit les travellings, les longs plans séquences, les gros plans, le hors champs, l’utilisation de la lumière, des ombres, tout est pensé, réfléchis, préparé et mis en valeur à 200%. Sur la forme, je ne vois vraiment pas ce que je pourrais trouver à redire, même en cherchant bien. Alors bien-sur c’est long, 2h35, mais c’est peu ou prou la durée du film de 1961 et comme je l’ai dit, Spielberg respecte tout, chaque scène y est, chaque chanson y est, du coup ça donne 2h35. Son casting est très pertinent, et la première chose à dire dessus c’est qu’il a eu l’immense politesse d’offrir le rôle de Valentina à Rita Moreno (la « Anita » de 1961), malheureusement la seule dépositaire encore vivante du chef d’œuvre de Robert Wise, et que c’est une très jolie initiative, pleine de respect. Ensuite, que ce soit Rachel Zegler, Ariana DeBose, David Alvarez ou Mike Faist, tous sont très convaincants : ils chantent bien, ils dansent bien, il incarne leur rôle sans fausse note, sans avoir peur de la comparaison que certains ne manqueront pas de faire. En réalité, je suis un peu plus mitigée concernant Ansel Elgort dans le rôle de Tony. Il a beau faire tout ce qu’il peut, je trouve qu’il manque quand même beaucoup de charisme, de présence pour un Tony. Pour lui, en tout cas c’est sur, la comparaison va être sans pitié. A mes yeux il fait trop tendre pour le rôle, il détonne un peu au milieu des autres et c’est carrément dommage car il a quand même le rôle principal de cette tragédie musicale. C’est le seul bémol que trouve au film de Spielberg, son Tony n’est pas à la hauteur de ce que doit être un Tony de West Side Story. Le scénario, sauf à ne rien savoir du film de 1961, est ultra connu.
Inspiré de « Roméo et Juliette »
, cette comédie musicale brosse le portrait d’une Amérique des années 50 assez éloignée de l’idée que l’on se fait des 30 glorieuses : racisme, pauvreté, ghettoïsation, fascination pour les armes à feu, tentation de tout régler par la violence. Spielberg y ajoute par toutes petites touches
le patriarcat (par le rôle de Bernardo) et la violence des hommes sur les femmes (la scène avec Anita face aux Jets) et même l’homophobie au détour d’un personnage un peu « différent »
. C’est cette richesse là qui fait de « West Side Story » une comédie musicale à part. On est pas dans « La la Land » avec ses amoureux qui se regardent le nombril en se posant des questions existentielles (scoop : je n’ai pas aimé « La la land », je m’y suis profondément ennuyée). Dans « West Side Story », on s’aime mais surtout on se bat, on se déteste, on se défie, on s’affronte, on ment…
et on meurt (pour rien) à 20 ans à peine
. On est dans une tragédie musicale plutôt que dans une comédie musicale. Et même si l’intrigue se déroule dans le New York de 1957, qui peut prétendre que toutes ces questions de rivalités ethniques, de guerre de gangs, de mariage endogamique, d’immigration et d’intégration, de violence gratuite et circulation des armes ne sont pas des questions hyper modernes ? La force de « West Side Story », c’est d’être à la fois le reflet d’une époque précise et de poser pourtant des questions vieilles comme le monde et cruellement d’actualité. Il faut impérativement aller voir « West Side Story » en VOST, il faut impérativement aller le voir sur grand écran. Il faut aller voir « West Side Story », c’est un enchantement pour les yeux comme pour les oreilles : un pur bonheur de cinéma.