Cette ré-adaptation du musical de Broadway était-elle indispensable ? Disons-le de suite (comme cela, on s'en débarrasse d'emblée) : non. La version de Robert Wise (1961) est loin d'avoir mal vieilli ou d'être devenue ringarde, mais faut-il pour autant bouder la version de Spielberg ? Non plus, car le grand Monsieur a évité le piège éculé du remake "plan par plan" (qui n'a aucun intérêt créatif) pour nous offrir une relecture moins "essai artistique" et plus "spectaculaire". On s'est plus que rincé l’œil (et les oreilles) sur America et Tonight... Vu en Imax pour l'occasion, on en a pris plein la tête (bluffé par ces chorégraphies !). Exit les effets visuels qui ont cinquante ans bien tapés (l'ouverture qui joue les nuanciers-couleurs pendant cinq minutes, les floutages sur les côtés, la lumière divine qui tombe du ciel, les flashes rouges qui saturent lors des danses tournoyantes dans le noir...) pour un modèle plutôt "tous niveaux de publics, et surtout néophytes bienvenus", avec plus de chorégraphies en travelings (incroyables), d'inclusions de minorités (les latinos parlent espagnol et non plus anglais, on appuie le choix genré de celui qui veut intégrer la bande au lieu de lui balancer "T'es une fille." à deux minutes de la fin du film, ce qui nous avait toujours déçu dans la version 1961), de violence directe (les coups ne sont plus des pas de danses, ici les poings s'écrasent dans les pifs pour de bon, les couteaux se plantent en plans rapprochés et non plus cachés) et d'approfondissement des personnages (on apprend le passé ténébreux d'Anton, ce qui lui donne plus de relief). Cette ré-adaptation est donc très loin d'être gratuite et de reposer sur le succès du prédécesseur (Spielberg peut-il donner cette envie artistique à une certaine firme à grandes oreilles ? Cela urge.). A ce début de critique dithyrambique, on opposera quand même quelques arguments. Premièrement : "Steven, on ne parle pas tous espagnol.". En effet, si l'on a aimé l'inclusion de la langue espagnole, on a regretté qu'elle ne soit pas sous-titrée, n'étant pas hispanophone, on n'y a rien compris. Et non, si vous vous le demandiez : il ne s'agit pas toujours d'une petite phrase traduite ensuite par un autre personnage, on tombe par exemple sur un personnage qui fait une blague sur le policier, tous les personnages s'esclaffent, sauf nous (qui disons : "C'était quoi, la blague ?"), ou bien une dispute entre les deux belles-sœurs dont on ne comprend pas les arguments respectifs... On se sent exclus, ni plus ni moins, et on espère que cela sera corrigé pour l'édition DVD. Autre point où l'on s'est légèrement cassé les dents, la durée. On a trouvé le temps parfois un peu long (mais comme dans l'original, oui, "honte à nous"). Autrement, on a apprécié le choix de David Alvarez et Ariana Debose pour le couple Bernardo et Anita qui a donné un coup de polish très sympathique à l'écran (quel charme !), et on a finit par s'habituer à la "baby face" d'Ansel Elgort (à la filmo foireuse - hormis Baby Driver ! - mais aux albums convaincants, donc un bon choix pour Tony, et il le rend bien avec son air de géant fragile), et un brin moins à celle de Rachel Zegler (son personnage semble souvent niais, ce qui n'était pas tellement le cas auparavant... Dommage). Que dire d'autre, si ce n'est qu'on a pris un pied monumental sur les chorégraphies et les chansons, que le casting nous a (dans l'ensemble) paru convaincant, et que le fait de retrousser ses manches pour proposer de la nouveauté dans une ré-adaptation nous paraît un exploit en soi. Spielberg nous l'a prouvé : il n'est pas là pour faire la poussière.