"Vous croyez vraiment que ce sont les chaussures d'une personne qui en a quelque chose à foutre du Velvet Underground ?"
Et bim, bienvenue dans l'envers du décor de l'industrie du disque anglaise de la fin des 90's, une époque bénie (ou pas) où le sens du mot "artistique" a depuis longtemps été oublié, où sortir une sorte de tube techno-dance avec "suck my dick" comme uniques paroles et produire un girls-band de poufs incapables de chanter la moindre note sont des choses on ne peut plus courantes tant que les billets verts coulent à flot derrière.
L'argent, l'unique motivation de ces cadres de labels arrivistes, imbibés de tous les paradis artificiels existants jusqu'à l'os et prêt à nous balancer n'importe quelle soupe en guise de BO de notre vie.
Tout ça, on va le vivre à travers le regard de l'arrogant, égocentrique, exécrable - et donc génial - Steven Stelfox (Nicholas Hoult, dé-men-tiel), qui ferait tout pour décrocher le poste de directeur artistique en chef de sa boîte. Mais vraiment tout. Même littéralement éliminer ses concurrents directs.
Ah oui, il est important de préciser que Steven est un psychopathe en puissance magistralement exposé lors d'une des meilleures scènes d'introduction de l'année.
"Kill your friends" vire donc très vite à la brillante satire de cet univers à coups de dialogues référencés hilarants et de personnages percutants (les membres du label et leurs poulains sont à hurler de rire).
Même le procédé souvent irritant de la voix-off et du personnage principal s'adressant directement à nous, spectacteurs, fonctionne et puise sa force dans le narcissisme monstrueux de Steven.
Enfin, le tout est emballé avec une BO qui fera frémir n'importe quelle personne ayant grandi à la fin des 90's.
Bref, c'est un régal... du moins, pendant la première moitié.
L'ossature narrative de "Kill your friends" adopte le traditionnel cycle du "succès-excès-chute-rédemption-retour au succès" mais en épousant le caractère de son personnage principal (je n'en dirais pas plus sous peine de spoilers), seulement lorsque Steven va toucher le fond, il va entraîner le film avec lui dans sa chute.
La deuxième partie perd son rythme effrénée, son style accrocheur et la plus grosse erreur est peut-être de vouloir susciter de l'empathie pour Steven, là où on a tellement aimer "s'amuser" avec lui.
Le film connaît alors un vrai trou d'air, heureusement en partie rattraper par son excellent quart d'heure final qui retrouve le mordant des premiers instants.
Mais c'est hélas trop tard, ce "creux de la vague" empêchera "Kill your Friends" d'atteindre un stade auquel il pouvait prétendre.
Il ne restera qu'un film quelque peu boiteux mais où l'on s'est diablement éclaté pendant une première moitié très défouloir et une dernière partie bien pensée. Rien que pour ça...
Pour conclure, on a souvent vendu cette adaptation d'un roman de John Niven comme une sorte d'"American Psycho" anglais. On peut répondre à la fois par oui et par non à cette comparaison.
Oui car, forcément, on peut voir quelques liens de parenté entre les personnages de Steven Stelfox et de Patrick Bateman qui trompent leur monde en éliminant les éléments qui les gênent.
"Kill your Friends" partage aussi le côté satirique et sarcastique du film (et en partie du roman) "American Psycho" dans la description d'un microcosme propre à une époque.
Et un amusant parallèle se dessine entre les deux films avec les dialogues entre Steven et un policier qui renvoient irrémédiablement aux échanges entre Bateman et le détective Kimball.
Non car "Kill your friends" est d'une violence bien moindre qu'"American Psycho" (et je ne parle même pas du roman). De plus, même s'il y a des similarités, Steven Stelfox apparaît beaucoup plus gentillet et bien moins déjanté que son illustre cousin adepte des cartes de visite.