Franchement, avec ses yeux bleus perçants, ses cheveux impeccablement coiffés, et son corps fin, ce Steven Stelfox est beau comme un Dieu. En vérité, cet homme est un pourri. Il travaille dans l'industrie du disque, dans les années 1995, que les téléchargements illégaux n'a pas totalement ruinée. Travailler, c'est beaucoup dire. Il avoue dès le début du film que son ambition n'est pas de faire éclore de l'art, mais de faire de l'argent, à la manière d'un Rastignac des temps modernes qui se contrefiche de morale ou d'empathie à l'égard de ses collègues. Tout est bon, pourvu qu'il réussisse, lui, et qu'il ravisse la place du directeur artistique. Le film d'Owen Harris, est à l'image de son anti-héros : cynique, déterminé, sans pitié, cruel et percutant. On regrettera peut-être ces incursions dialoguées où le jeune ambitieux s'adresse directement au spectateur pour raconter ses macabres intentions ; en effet, elles alourdissent le propos, provoquant un effet démonstratif de ce que la mise en scène aurait suffi à signifier de l'arrivisme et de la psychopathie du personnage. Le problème, hélas, c'est que le mal gagne dans cet univers mercantile où la drogue, les coups bas, prennent le pas sur la créativité. Seul un groupe magnifique, The Lazie's, parvient peu de temps, à résister à ce concentré de perversion, générant avec leur art une sorte de fenêtre éthique où il est question d'amour au milieu de ce monde de requins. La bande-son est évidemment incroyable dans un film du genre. "Kill your Friends" n'est certes pas le chef d'œuvre de l'année mais il ne démérite pas dans la tension glaciale qu'il installe dans la salle. Le film aurait pu s'appeler "Splendeurs et décadences d'un ambitieux". Le crime l'emporte jusque dans le titre, qui laisse à penser que plus jamais rien ne sera gratuit dans ce bas-monde.