Après "Les Conséquences de l'amour" (2004) et "Il divo" (2008), Paolo Sorrentino réunit dans "Youth" deux figures charismatiques du cinéma, en l'occurrence, Michael Caine et Harvey Keitel. Comme chaque année, Fred Ballinger (Michael Caine) et Mick Boyle (Harvey Keitel), amis de longue date (octogénaires ou presque), se retrouvent dans un hôtel des Alpes suisses afin d'y passer leurs vacances. Ballinger est un illustre (et légendaire) musicien (à la retraite), et Boyle, un scénariste toujours en activité malgré son âge avancé. Au début de l'histoire, Ballinger reçoit une proposition (qu'il refuse catégoriquement) l'invitant à diriger un orchestre devant la reine d'Angleterre (Élisabeth II). Disons-le clairement, "Youth" est un film atypique (c'est le moins que l'on puisse dire), associant des dialogues raffinés et des moments de silence (parfaitement exploités). Au-delà du scénario en lui-même, Sorrentino (particulièrement inspiré) nous propose une mise en scène exceptionnelle, doublée d'une introspection au scalpel des personnages principaux (qui font entre autres, le bilan de leur vie), où chaque phrase prend une signification particulière. Cela paraît parfois lent, mais rien n'est laissé au hasard, le réalisateur nous impressionne par son perfectionnisme et son habileté. Le monologue (au vitriol) de Lena Ballinger (Rachel Weisz) à l'attention de son père est extraordinaire (de lucidité), tout comme la conversation entre Boyle et Brenda Morel (Jane Fonda). Michael Caine (comme souvent) est à l'apogée de son talent, les acteurs secondaires sont irréprochables. "Youth" mélange les regrets, la mélancolie, la beauté et la sagesse (sans oublier une certaine détresse face aux évènements inéluctables), le tout dans un cadre idyllique et somptueux. Les scènes où Boyle rêve de ses propres acteurs sont sublimes, le domaine artistique est à son paroxysme, la musique se situe dans une symbiose parfaite avec le déroulement. La fin, grandiose et riche en émotion, est une véritable cerise sur le gâteau (car tout est beau dans ce film), avec l'apparition de la remarquable Sumi Jo (dans son propre rôle de soprano). "Youth" (peu mis en valeur par sa bande-annonce, faut-il le rappeler) représente la subtilité, le fatalisme et l'intelligence. Ce long-métrage est également marqué par sa rigueur, sa finesse et son originalité, Sorrentino signe une authentique œuvre d'art, à contempler sans modération.