Nouveau film de Paolo Sorrentino, qui a fait pas mal parlé de lui au dernier Festival de Cannes mais qui y est reparti sans aucune récompense. Faut dire que le film à pas mal divisé, entre ceux qui saluent sa virtuosité et les autres qui se plaignent d'un film désespéramment vide et prétentieux. Il faut dire que Sorrentino à une personnalité qui semble extravagante et qui peut s'apparenter parfois à de l'élitisme. On retrouvait ça dans La grande bellezza, seul film que j'ai vu de Sorrentino en dehors de celui-ci. Je ne suis donc pas un spécialiste de son cinéma mais il y avait quelque chose de diablement stimulant et brillant dans l'excellent La grande bellezza malgré des excès de zèle qui peuvent laisser le spectateur sur le carreau. Néanmoins l'attraction était faîte et la curiosité pour son prochain film à atteint son paroxysme. Il semble très vite clair que Sorrentino signe ici son film le plus populaire et accessible, comme si il adoucissait son style en y arrondissant les coins pour être plus facile d'accès pour le spectateur. Pour autant, le cinéaste ne se renie pas loin de là et on replonge dans ses interrogations sur l'art et sur la vie. Mais ici il ne va pas raconter la vie de privilégiés, même si cela en à l'apparence, il va nous montrer que ses privilégiés sont des gens comme tous le monde et qu'ils souffrent des mêmes maux que tous le monde, à savoir le chagrin d'amour, les déceptions, la vieillesse et la peur de mourir et d'être oublié. A travers le parcours de ses personnages, il va parler d'hommes qui ne voulaient que marquer le monde de leurs présences et de leurs enfants qui doivent vivre à l'ombre de celle-ci. Mais ici peut importe l'importance de la personne, elle reste un être mortel, qui vieillit et qui se rend compte de la beauté futile de la vie. Les réflexions sur la vieillesse sont brillantes, interrogeant ce qui fait la valeur d'un individu et de son histoire, le film brosse un portrait touchant d'homme et de son amitié. Au final on nous vendait le film comme une histoire d'amitié vieillissante mais celle-ci sera finalement mise en second plan pour pleinement s'intéressé à l'histoire du compositeur. Son ami cinéaste est ici plus anecdotique au sein du récit. Mais l'amitié qui les lient se révèle incroyablement juste et traitée avec sincérité. Au final, ce qui sera le plus décevant, c'est que le film nous présente une pléthore de personnages attachants et fascinants mais que beaucoup ne sont finalement pas exploité. A l'image de l'acteur, qui à l'apparence d'un jeune mais la sagesse d'un homme âgé et qui apporte un regard pertinent mais sous-exploité au film. De plus le film se perd parfois dans des symboliques bien trop spécifiques pour être pleinement perçu au premier visionnage. Ce qui fait que lors de la découverte certains éléments du film laissent perplexe et entache un peu le plaisir par de la frustration. Comme pour le personnage de la masseuse qui se révèle incroyablement mystérieuse et dont j'ai eu du mal à saisir pleinement sa signification. D'ailleurs le film offre un traitement assez bancal à ses figures féminines, il arrive parfois à déjouer les préjugés avec habilité comme pour l'introduction de Miss Univers qui se révèle plus intelligente que ce à quoi les personnages s'attendaient mais il plonge aussi dans la facilité et la déshumanisation. Au final, le film nous dit que les femmes sont des œuvres d'arts qui doivent être contemplées et appréciées à leurs justes valeurs. Ceci est très réducteur malgré que ça se veut flatteur, les femmes ne sont ici que la représentation de la beauté de ce monde et le cinéaste semble avoir une vision très hautaine sur elle, ce qui se montre dérangeant. C'est d'autant plus dommage car à côté de ça, le film traite avec brio tout ses sujets, offrant même de très belles réflexions sur le deuil et la mort. Présentant aussi de manière douce-amère le monde des artistes, son côté communautaire et amical mais aussi son côté cruel et ingrat. Un monde qui n'a que peu de considérations pour ses artistes vieillissants. Le film se révèle donc incroyablement dense dans ses thématiques et dans l'exploration de la vie, de ce qui définit le passé et ce que peut offrir l'avenir. Le présent n'étant ici que des plaisirs simples et éphémères, mourant à l'instant même de leurs naissances. Les personnages pensant plus souvent à ce qu'ils étaient et à ce qu'ils seront plutôt qu'à ce qu'ils sont, le film par cela brosse un très beau message sur l'urgence de vivre et de profiter de chaque instants, aussi futile puissent-ils être. L'ensemble est composé par un magnifique casting, dominé par l'impérial Michael Caine qui offre une prestation sensible et admirable. Il partage aussi une alchimie évidente avec Harvey Keitel, qui lui aussi se montre excellent et surtout très drôle dans son rôle. Et voir ses deux immenses acteurs réunis et se donner la réplique à quelque chose de magique et qui fait vraiment plaisir. Ils sont accompagnés d'une pléthore d'acteurs talentueux comme Jane Fonda qui vient briller le temps de quelques instants, elle à un rôle court mais intense, ou encore Rachel Weisz qui est ici très juste et Paul Dano qui se montre sensationnelle dans un rôle plus calme qu'à son habitude. Tout cela est englobé par la sublime réalisation de Paolo Sorrentino, qui nous gratifie d'images plus belles et fascinantes les unes que les autres. La photographie très esthétisante flatte la rétine, le montage habile favorise le contemplatif et la mélancolie et les musiques qui accompagnent le film sont enivrantes. La forme se révèle donc agréable et stimulante surtout que la mise en scènes est absolument virtuose. Sorrentino multipliant les cadrages ingénieux et reflète à merveille par un découpage habile et une symbolique forte toute l'horreur, la vacuité et la beauté de la vie. Il dirige son film comme un compositeur dirige un orchestre avec grâce et élégance. On ne peut qu'être perplexe en se disant que ce film n'a pas gagné le prix de la mise en scène au Festival de Cannes, car une fois face à celle-ci on se rend compte que l'on est face à une véritable oeuvre d'art. En conclusion La giovinezza est un très bon film. Une réflexion subtile et complexe sur la vie et qui est brillamment mise en images. Néanmoins le film se montre parfois un tantinet trop complexe dans l'utilisation de ses symboliques tandis qu'il fait preuve d'une certaine complaisance dans le traitement de ses personnages féminins, ce qui vient vraiment entacher le plaisir que l'on peut avoir face à l'ensemble. Car il ne fait aucun doute que Paolo Sorrentino est un virtuose dans son domaine et il nous le prouve ici dans sa capacité de faire un film populaire et accessible tout en étant incroyablement complexe et qui ne se renie pas. Une oeuvre qui pousse le spectateur à aspiré à mieux et qui est incroyablement dense et riche. Sorrentino nous rappelle tout simplement que le cinéma est un art et qu'il doit être célébré en tant que telle, et non seulement c'est beau mais c'est aussi nécessaire et stimulant.