À peine un an après la sélection en compétition de La Grande Bellezza et son succès aux Oscars, Paolo Sorrentino s'entoure d'un casting hollywoodien pour livrer sa nouvelle comédie dramatique. Comme à son habitude, le réalisateur italien nous offre une mise en scène assez démente avec son lot d'images très pimpantes qui commencent à définir une sorte de style « à la Sorrentino ». À travers une image travaillant autant son parallélisme que le détail minutieux, le cinéaste cible ses différents personnages afin de mieux les isoler. Une technique de microscope parfois intéressante, parfois effroyable (selon le point de vue de chacun). C'est en tout cas dans cet environnement que le trio Cain-Keitel-Dano évolue en totale symbiose, avec le cynisme débridé qui sied tellement aux personnages du cinéma de Sorrentino. Dans un hôtel presque aussi irréaliste que celui du Grand Budapest Hotel, les vieux de la vieille sont confrontés à une époque qui les dépasse, face à un bestiaire qui ne les amuse presque plus, et avec lequel ils souhaitent rompre quasi-définitivement. Si les thèmes du film se rapprochent d'un sujet à la Woody Allen (le travail du temps sur l'amitié et les souvenirs), c'est surtout à Fellini que Sorrentino empreinte son univers ! L'héritage de la grande époque du cinéma italien et de la culture qui l'entoure est largement exploitée, tant au niveau des codes de la grande bourgeoisie, que du sport (un faux Maradonna excellent !) ou encore de l'Art (le Baroque, le lyrisme, etc…). Sans tomber dans le pastiche du film à l'italienne, Youth choisit plutôt d'aborder son sujet avec un regard neuf, libéré, mêlant le tragi-comique et le post-moderne. Ainsi les deux amis guettent le temps qu'il leur reste à vivre, gardant en ligne de mire le passé, le tout sous le regard plein d'empathie de Jimmy Tree, l'acteur californien incompris interprété par Paul Dano !
Cependant, on peut aussi reprocher à Sorrentino de tomber dans le piège qu'il s'est lui-même tendu. Avec un trop plein constant, la surabondance pointe le bout de son nez et certaines scènes périssent progressivement dans la démesure ou le ridicule. Citons notamment cette scène où Harvey Keitel plonge dans un véritable délire kitch, apercevant les actrices qu'il a fait jouer dans ses précédents films, et qui plombe complètement l'idée sous-jacente qu'elle souhaitait exprimer. Youth apparaît par moment comme un objet artificiel et vaniteux, cherchant à trouver le mouvement de caméra à la mode, couplé à certains dialogues qui sonnent trop faux ou qui durent trop longtemps, tout en essayant de mettre le tout et le rien dans le même sac ! Ainsi, une scène de clôture qui se veut émotionnelle et réussie finit tout simplement par être trop longue, pesante et dénuée d'intérêt alors qu'une fin classique aurait largement suffi à sublimer le propos. Quand à Rachel Weisz, son personnage grimaçant et misérable nous laisse de marbre.
Si certaines qualités évidentes sont à retenir, tant au niveau de la réalisation qu'au niveau de l’écriture, Paolo Sorrentino semble zigzaguer dans un film à la fois sensible et désordonné. Merveilleux par moments et agaçant à d'autres, Youth est marqué par quelques inconstances qui l'empêchent réellement d'élever son propos et de nous émerveiller autant que le cinéaste l'aurait souhaité. Sorrentino laisse donc entrouverte la porte d'une chambre d'hôtel dans laquelle il tente difficilement d'installer son spectateur…
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